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Chevaux bâillonnés: Ces muserolles qui empêchent les chevaux de «prendre la parole»

19 décembre 2016 14:35

Les opinions quant à l’utilisation correcte des muserolles divergent entre les cavaliers, le sujet très polarisé soulève de nombreuses questions. Quels «faits» sont des demi-vérités et que dit la science? Quel rôle joue la FSSE dans la réglementation de cette question et qu’en est-il du point de vue de la protection des animaux?

Ajustement correct: L’on doit pouvoir passer facilement deux doigts entre la muserolle et le chanfrein. Ajustement correct: L’on doit pouvoir passer facilement deux doigts entre la muserolle et le chanfrein.

Un cheval heureux devrait mâcher calmement son filet la bouche fermée – c’est ce que nous disent les lignes directrices de notre équitation classique. Surtout en dressage, l’activité de la bouche compte dans la notation d’une reprise car elle donne des indications importantes quant au bien-être du cheval. Tout signe de défense, de résistance, de manque de formation et/ou de douleur, par exemple quand le cheval tire la langue, se crispe dans la mâchoire ou grince des dents, entraîne des points de pénalité. C’est donc aussi pour cette raison que beaucoup de cavaliers sont tentés de serrer la muserolle au maximum afin d’empêcher le cheval de montrer ses défenses naturelles.

Une liberté réglementée

Bien que l’article 21 de l’Ordonnance sur la protection des animaux énumère toutes sortes de pratiques interdites chez les chevaux, les muserolles serrées de manière excessive ne sont pas mentionnées. Un bref examen des différentes réglementations de la FSSE montre qu’il n’est pas clairement stipulé comment une muserolle doit être fermée afin de permettre au cheval de s’exprimer. Les règlements et les directives des épreuves ne disent rien sur la manière de fermer correctement une muserolle, il semble que l’on part du principe qu’il s’agit d’une connaissance générale chez les cavaliers. Est-ce une connaissance que l’on acquiert lors du brevet de cavalier, examen que tout cavalier participant à des concours hippiques officiels a passé? Grave erreur! Les supports théoriques du brevet mentionnent uniquement que les muserolles ne doivent pas empêcher la respiration du cheval ou blesser l’os zygomatique. Le cahier de charges des délégués techniques de la discipline dressage donne une première indication: Les directives de classification et d’évaluation, en particulier celles à l’intention des juges sur la place d’échauffement, mentionnent que le matériel mal adapté, trop serré et/ou empêchant la liberté de mouvement de manière inadéquate va à l’encontre du bien-être du cheval. Cela signifie que le juge ou le délégué technique doit intervenir immédiatement s’il remarque un tel abus de l’équipement. Ils doivent interpeller le cavalier car «certains critères d’observation pourraient conduire à l’avertissement ou à l’exclusion». Il n’est cependant pas mentionné explicitement comment une muserolle doit être fermée pour ne pas être considérée comme trop serrée. Étant donné que le formulaire d’information pour les délégués techniques de la FSSE mentionne les directives d’équitation et d’attelage de la Fédération allemande d’équitation FN dans les recommandations de littérature, la position de cette dernière peut être considérée comme pertinente: Les directives allemandes stipulent qu’il faut pouvoir passer deux doigts à plat entre la muserolle et le chanfrein.

Exercices de doigté scientifiques

Diverses études récentes ont essayé de répondre à la question de combien de place la muserolle devait laisser au cheval afin de lui permettre la mastication souhaitée. Les recherches scientifiques ont démontré qu’il fallait un espace d’au moins 17 millimètres entre les incisives afin de permettre la mastication du filet (Kienapfel et al., 2010). Cette même étude recommande également la règle des deux doigts comme mesure pratique afin de s’assurer du bon réglage de la muserolle, tout en soulignant que les deux doigts doivent impérativement être mesurés sur le chanfrein et non sur le côté de la tête ou sous la mâchoire inférieure.

Une étude australienne actuelle (Fenner et al., 2016) a constaté qu’avec des muserolles serrées, les chevaux présentaient un rythme cardiaque et une température des yeux nettement élevés – tous deux signes de stress. Les mesures prises dans le cadre de cette étude ont été effectuées sur le cheval à l’arrêt afin que toute influence due à l’effort physique puisse être exclue. Même avec des muserolles laissant la place à un doigt sur le chanfrein, une mastication réduite a pu être observée et la déglutition diminuait plus la muserolle était serrée. D’après les auteurs de l’étude, il s’agit de réactions évidentes de mal-être ou de douleur dues à la muserolle mal ajustée.

D’autres études suggèrent que des muserolles trop serrées peuvent conduire à une circulation sanguine tissulaire réduite (McGreevy et al., 2012) ainsi qu’à des lésions nerveuses ou osseuses (Casey et al., 2013).

Sens ou non-sens?

Sur la question de la fonction effective des muserolles, les opinions divergent. Alors que certains scientifiques affirment que la muserolle n’a aucune incidence sur les rapports de pression à cause du flux de force existant entre la main du cavalier, les rênes, le filet et la tête du cheval (Preuschoft et al., 1999), d’autres attestent qu’elle a une influence positive sur la répartition des pressions entre le filet, la bouche et le chanfrein (Bürger, 2006).

La règle des deux doigts semble donc être un bon compromis afin de permettre au cheval de s’exprimer de manière naturelle et ainsi rendre d’éventuels déficits visibles aux yeux des juges et des formateurs.

Mesure objective en compétition

Afin que la réglementation des deux doigts puisse être appliquée, elle doit être objective et reproductible. Étant donnée que l’épaisseur des doigts varie d’une personne à l’autre, l’utilisation d’un instrument de mesure standardisé s’impose pour le contrôle des muserolles. Le Taper Gauge de l’association internationale des sciences de l’équitation ISES par exemple permet de juger de manière neutre et rapide si la muserolle offre à la bouche et à la langue du cheval la liberté prescrite par les règlements.

En compétition, un tel contrôle devrait être effectué avant l’entrée dans le parcours de saut ou le carré de dressage. Ainsi, le cavalier aurait encore la possibilité de régler l’adaptation de la muserolle et d’entrer en piste conformément au règlement. C’est d’ailleurs ce que demande actuellement un pétition auprès de la Fédération allemande d’équitation FN.

Information à la base

Afin d’éviter et prévenir l’arbitraire et les abus non seulement sur la place de concours mais aussi au quotidien, il faut instruire et sensibiliser les personnes à ce sujet surtout à la base: dans les écoles d’équitation et au sein des formations professionnelles. Les commissions spécialisées de la FSSE discuteront et décideront dans les prochains mois si une modification du règlement est réellement nécessaire à ce sujet.

Cornelia Heimgartner

Photo: Andrea Heimgartner

Margret Dreier, Cheffe technique de la discipline Dressage

«En concours de dressage, l’on voit malheureusement encore trop souvent des muserolles trop serrées. En principe, le contrôle des muserolles fait partie des tâches du délégué technique, mais ces contrôles sont rares. Lors des cours, les DT et les juges sont encouragés à effectuer ces contrôles, mais il n’est pas toujours facile d’intervenir sur la place de concours étant donné qu’il n’existe pas de directive contraignante. Il faut donc faire appel au sens de responsabilité des cavaliers. Néanmoins, ces discussions contribuent certainement à rendre les gens plus attentifs à cette thématique.»

Monika Elmer, Cheffe technique de la discipline Saut

«Le harnachement resp. le type et l’utilisation de filets et de muserolles n’est pas clairement défini dans le Règlement de Saut actuel (article 7.9 ‹harnachement libre›). Les choses que l’on voit parfois sur les places de concours de nos jours suscitent de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne la protection des animaux. Néanmoins, je pense qu’il faudrait réglementer autant que nécessaire mais aussi peu que possible. Une description détaillée des filets et des muserolles autorisés, de manière analogue au règlement de dressage, aurait pour résultat une liste interminable devant être actualisée continuellement. Je m’oppose cependant à une règle des deux doigts et au contrôle avec un instrument de mesure standardisé. J’en appelle à la responsabilité des officiels à prendre une décision sur place selon la situation et d’intervenir si nécessaire. Si et sous quelle forme l’utilisation de muserolles et de filets doit être inscrite dans le Règlement de Saut sera discuté en 2017 lors des discussions sur les modifications de règlement.»

Marco Hermann,
Président de la Commission vétérinaire

«Il n’est pas facile de répondre à la question si l’ajustement des muserolles devrait être contrôlé de manière officielle, de nombreux aspects jouant un rôle important au sein de cette thématique. Sur le fond, il est clair que les chevaux ne doivent pas être maltraités. Cependant, nous ne pouvons pas inscrire tous les comportements allant à l’encontre du bien-être du cheval dans un règlement. Il vaut mieux faire appel au bon-sens des cavaliers et surtout transmettre les informations correspondantes lors de la formation de base – par exemple dans le cadre du brevet du cavalier. Mais, surtout dans le cas de l’ajustement de la muserolle, beaucoup de facteurs comme le type de matériau de la bride, le genre de muserolle, l’éventuelle influence directe des rênes sur le chanfrein ou via le filet et bien d’autres aspects encore doivent être pris en considération afin de pouvoir juger correctement une situation. De plus, avec un règlement trop stricte, il y a le risque que l’on perde de vue l’image globale. Un vrai ‹Horseman›, qu’il soit cavalier, instructeur ou officiel, devrait pouvoir reconnaître un cheval ‹bien dans sa peau› rien qu’en observant ses oreilles ou son regard. Plus l’on fixe des points dans le règlement, plus cette capacité d’observation se perd. L’on pourrait aussi discuter quel est le plus grand signe de mal-être chez le cheval, une muserolle trop serrée ou une bouche sans muserolle grande ouverte? Qu’allons-nous prescrire ensuite dans le règlement? La tension de la sangle? Ou le rembourrage de la selle? Ou . . .?»

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