L’industrie événementielle va-t-elle évincer les concours de société idylliques? Table ronde n° 2 avec Simone Schneeberger, Benoît Johner, Hansjörg Rufer et Michael Hässig ainsi que l’animatrice Léa Wertheimer (de g. à d.). (photo: FSSE)
A l’occasion du Forum du Sport 2021, des personnalités renommées de la filière équine ont échangé leurs avis et leurs expérience sur le sujet «Avenir des manifestations de sport équestre» en y intégrant les suggestions du public. Au cours de trois tables rondes, les aspects tels que les influences externes sur le sport équestre, les différents formats des concours ainsi que l’intérêt accru pour les départs à l’étranger ont été passés au crible.
Dans le contexte de la situation sanitaire actuelle, la Fédération Suisse des Sports Equestres (FSSSE) a cherché des solutions créatives afin de permettre un échange actif sur le thème brûlant de l’avenir des manifestations de sport équestre en tenant compte des mesures de protection requises. Grâce au sponsoring de l’assurance pour les animaux epona et de l’équipementier équestre reitsport.ch, ce Forum du Sport a pu être organisé sous forme de manifestation hybride interactive dans les studios de l’agence de publicité Artionet à Delémont (JU). Une première qui a été très bien accueillie et qui n’est que le début d’un processus à long terme.
Au début de cette manifestation, Charles Trolliet, président de la FSSE, a présenté l’évolution des concours suisses par des chiffres et des faits et il a notamment démontré que si on constate ces dernières années une tendance nettement décroissante du nombre de manifestations, le nombre d’épreuves organisées n’a pas diminué. Les manifestations restantes ont donc tendance à devenir plus importantes. Un aspect intéressant qui n’avait jusqu’alors pas été relevé avec une telle netteté.
L’exposé du directeur de la FN allemande Sönke Lauterbach, qui a été connecté en duplex depuis Warendorf, a confirmé ensuite que les questions soulevées avant le Forum du Sport ne sont pas un problème purement suisse, mais que la nation équine qu’est l’Allemagne est confrontée à des problèmes similaires.
Ces constatations ont servi de base à des discussions aux multiples facettes, animées avec compétence par Léa Wertheimer, experte en communication et passionnée d’équitation.
Comment les éléments extérieurs modifieront-ils le sport équestre du futur?
Le changement sociétal dans les domaines de vie les plus divers n’épargne pas le sport équestre - et ce fut le sujet de la première table ronde réunissant le directeur de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires Hans Wyss, la directrice du groupe d’études Equidés du Haras national suisse d’Avenches Iris Bachmann, la directrice du Centre Equestre National Berne Salome Wägeli, le responsable pour une évolution durable au sein d’Equissima Lausanne Max-Olivier Bourcoud ainsi que l’experte en médias sociaux Fareeda Anklin.
La population est de plus en plus sensible aux aspects tels que le bien-être animal et la protection de l’environnement, et le sport équestre doit également relever ces défis. Il ne faut surtout pas que le cheval soit relégué au rang d’appareil de sport, et les sportives et sportifs équestres doivent être formés de manière à mieux comprendre la complexité et le fonctionnement du cheval afin de rechercher la faute chez eux et non chez leur partenaire de sport quadrupède lors de situations conflictuelles. Lors des concours, il est recommandé de rechercher le dialogue avec les spectateurs - et également avec ceux qui ne connaissent pas le sport équestre - afin de leur expliquer les observations et les événements. Cette manière constructive et proactive d’aborder les questions est également recommandée lorsqu’on surfe sur les médias sociaux. L’intérêt accru du grand public doit être considéré comme une chance - la chance de pouvoir se remettre en question et de promouvoir une meilleure compréhension des besoins des chevaux et du sport équestre grâce à de solides connaissances.
Dans le grand studio de l’agence web Artionet, à chaque fois cinq personnes ont mené une discussion, pandémie oblige, séparées par une vitre en plexiglas (de g. à d.): Iris Bachmann, Max-Olivier Bourcoud et Fareeda Anklin. (photo: FSSE/Cornelia Heimgartner)
Quant aux préoccupations écologiques, elles sont aujourd’hui toujours plus présentes et il convient d’en tenir compte lors de l’organisation de concours. Dans ce contexte, l’utilisation de synergies locales est une solution bénéfique pour tous. Ainsi, et à titre d’exemple, la collaboration avec la boucherie du village permet d’économiser des trajets, l’entreprise de restauration du coin apporte et reprend la vaisselle à usages multiples afin d’éviter les montagnes de déchets, et le système de tri sélectif des déchets sur la place de concours permet de protéger l’environnement. Ici aussi, il faut regarder plus loin que son nez car les autres sociétés du village sont confrontées aux mêmes défis lors de leurs manifestations et elles peuvent donc partager leurs expériences. Très souvent, les communes sont également prêtes à aider les organisateurs pour ce qui touche à l’environnement.
L’arrosage et la mobilité sont des aspects supplémentaires dont il faut tenir compte dans le cadre d’une utilisation prévenante des ressources. A l’avenir, les sportives et sportifs équestres devront de plus en plus se demander s’il est raisonnable de transporter son cheval sur de nombreux kilomètres avec des véhicules de remorquage ou des camions polluants pour se rendre à un concours. En outre, avec un changement climatique qui perdure et en cas de pénurie d’eau, le fait d’arroser un carré en sable pourrait devenir de plus en plus discutable, sachant que cette eau serait nécessaire pour les champs destinés à la production d’aliments.
Le directeur de l’OSEV Hans Wyss a apporté des points de vue intéressants concernant la protection des animaux et l’éthique dans les sports équestres. (Photo: FSSE)
L’industrie événementielle va-t-elle se substituer aux concours de société idylliques?
Déjà dans son exposé d’ouverture, Alban Poudret, rédacteur en chef du «Cavalier Romand» et directeur sportif du CHI Genève, a lancé un appel aux organisateurs de concours, mais également aux sociétés et aux associations régionales, les incitant à devenir créatifs en conférant par exemple aux concours ruraux un caractère de fête populaire. Ces concours doivent servir d’aimant pour attirer également un public ne connaissant rien au sport équestre, et ce afin de transmettre le plaisir procuré par le cheval et le sport équestre.
Aux côtés d’Alban Poudret, toute la gamme des organisateurs de concours était représentée dans le panel avec Benoît Johner, qui exploite le centre équestre du Chalet-à-Gobet (VD) et qui organise des concours de moyenne importance, et Simone Schneeberger, présidente du CO du concours rural traditionnel d’Herzogenbuchsee (BE). L’entrepreneur indépendant Hansjörg Rufer a apporté son point de vue en tant que sponsor de concours et cavalier de Saut amateur actif, alors que Michael Hässig s’est exprimé au nom des associations régionales.
La table ronde et les questions posées par le public ont clairement démontré que les concours ruraux ont incontestablement leur raison d’être et qu’ils jouent un rôle important pour l’ancrage du sport équestre dans la région. Il est également clairement apparu que les petits concours organisés sur des places en herbe sont fortement tributaires des conditions météorologiques et qu’ils doivent faire face au fait que la jeune génération de cavaliers préfère les terrains en sable, même s’il est prouvé que l’herbe est un sol moins pénible pour le cheval. Et ici aussi, on a rappelé la même devise, à savoir qu’un travail éducatif et de formation est indispensable car les bonnes cavalières et les bons cavaliers n’ont aucun problème même avec des sols en herbe pas tout à fait optimaux. Cela étant, l’effort d’entretien des surfaces en herbe est clairement plus important que celui des places de sable - un effort auquel l’organisateur ou le responsable de la place ne devrait pas se soustraire. Par ailleurs, lors de concours ruraux, le speaker a également un rôle très important à jouer car il se doit d’expliquer les épreuves et les commenter au public.
Avec des formes d’épreuves créatives comme les épreuves par équipe ou - pourquoi pas - une épreuve combinée avec l’agility, voire des séries de concours sur des places en herbe pas très connues, il serait possible d’augmenter l’attractivité des concours ruraux car lors de cette table ronde, personne n’a remis leur importance en doute.
Benoît Johner apporte son expérience autour de la question de l’avenir des manifestations de sports équestres en Suisse. (Photo: FSSE)
En route pour l’étranger
Dans son exposé d’introduction, Franz Häfliger, responsable du sport de compétition au sein du comité de la FSSE, a démontré à l’aide de statistiques que le nombre des départs à l’étranger de cavalières et de cavaliers qui ne font pas partie des cracks de l’élite ou des espoirs a tendance à augmenter. Et les pays frontaliers, mais également les concours dans le sud, sont des destinations très prisées pour des départs internationaux.
Dans le troisième et dernier groupe, René Aberlé, exploitant d’un manège et entraîneur de Swiss Olympic, Stefan Kuhn, président du CO du CS Amriswil et ancien chef de la discipline Saut, ainsi que Cornelia Notz, responsable des cadres Saut de la relève de la FSSE, se sont exprimés sur les raisons de cette évolution.
L’animatrice des tables rondes, Léa Wertheimer, est elle-même une cavalière passionnée et a assuré le fil rouge des discussions. (photo: FSSE)
Alors qu’il est logique et important pour les cadres de l’élite et des espoirs de se mesurer sur la scène internationale, la tendance croissante en matière de départs à l’étranger des cavalières et des cavaliers avec licence régionale semble surtout répondre au souhait consistant à faire également partie des «cavaliers internationaux» quand ce n’est pas tout simplement l’envie de s’offrir un voyage de vacances avec son cheval vers un concours à l’étranger. Et afin de mieux répondre à cette «envie d’aventure» des cavalières et cavaliers R, les panélistes ont plaidé pour plus de flexibilité et de créativité lors des grandes manifestations en Suisse, afin de mieux faire ressortir leur caractère d’événement. Même si la Suisse ne dispose pas d’installations équestres capables de concurrencer les grandes places de concours internationaux proposant plusieurs places de saut et de dressage pouvant être utilisées simultanément pour des épreuves, la Suisse propose tout de même des compétitions attractives pour les cavalières et les cavaliers R. Cela étant, avec un peu plus de créativité dans l’élaboration du programme, il serait possible de tirer un meilleur parti des concours et de proposer également des événements de plusieurs jours dans une ambiance festive. Il semble également que les organisateurs ne soient pas tous au courant de ce qui est déjà possible de faire avec les règlements existants. Néanmoins, si des modifications des règlements des disciplines devaient s’avérer nécessaires, elles peuvent être soumises aux associations régionales à l’attention des disciplines.
L’aspect commercial est une autre raison souvent avancée pour justifier les départs à l’étranger. Les formateurs et les marchands de chevaux éprouvent souvent le besoin de présenter leurs chevaux lors des concours à l’étranger afin de faire valoir les départs à l’étranger comme argument de vente. Ce panel a également discuté de ce point et a fait valoir que les acquéreurs de ces chevaux sont souvent des cavalières et des cavaliers régionaux qui ne sont pas intéressés aux «concours d’entraînement» internationaux, mais qui se concentrent bien plus sur les concours ruraux. Toutefois, l’atmosphère au sein des «bulles» des «concours d’entraînement» n’est pas comparable à l’ambiance de fête populaire d’un concours rural, raison pour laquelle acheteurs et vendeurs devraient se demander si dans un tel cas les départs à l’étranger constituent réellement un argument de vente crédible.
Le responsable pour le sport de compétition au comité de la FSSE, Franz Häfliger, lors de la table ronde au sujet des départs à l’étranger. (photo: FSSE)
Grâce au soutien des sociétés epona et reitsport.ch, le Forum du sport 2021 a pu être réalisé dans les studios d’Artionet à Delémont.
En photo: le président de la FSSE Charles Trolliet. (photo: FSSE)
Des suggestions passionnantes et des devoirs à faire pour l’avenir
Le Forum du Sport 2021 a été un succès à tous les niveaux et il fera autorité pour l’avenir. Le format et le contenu ont été très bien accueillis par le public, qui y a trouvé une véritable motivation pour approfondir le sujet.
C’est maintenant au tour de tous les acteurs concernés de contribuer au développement des compétitions afin d’assurer leur avenir. Chacun peut avoir un impact positif dans sa propre sphère d’influence et assumer sa propre responsabilité.
La FSSE va maintenant analyser plus en profondeur les suggestions faites lors des tables rondes ainsi que les questions du public et les incorporer dans l’orientation future de la fédération. Déjà le 23 juin 2021, le Comité FSSE cherchera à nouveau à échanger avec les acteurs de la filière équine dans le cadre de la «Journée du futur» afin d’affermir les principes directeurs de la stratégie 2030.
Cornelia Heimgartner