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Herbe ou sable: le sol influe-t-il la performance?

15 juin 2020 09:00

Les qualités respectives des carrières en herbe ou en sable, les deux sortes de sols équestres les plus fréquemment utilisés en Suisse, ont-elles une influence mesurable sur la performance des chevaux? C’est la question sur laquelle s’est penché un travail de recherche rédigé à la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL).

© Katja Stuppia © Katja Stuppia

En ce qui concerne l’entraînement des chevaux, il est bien connu que l’envergure et l’intensité des performances demandées, le temps de régénération et la qualité des sols équestres ont une influence sur la santé et le bien-être des chevaux. La négligence d’un seul de ces aspects peut déjà causer une surcharge physique du cheval, voire des blessures.

En Suisse, la majorité des compétitions de saut d’obstacles ont lieu sur des carrières en sable, ne serait-ce que pour la simple et bonne raison que celles-ci restent praticables également par temps pluvieux contrairement aux pistes en herbe, qui peuvent devenir glissantes et qui sont également plus difficiles à entretenir. Sur les neuf épreuves de qualification pour les Championnats suisses de 2019, seule celle d’Uster s’est déroulée sur un terrain en herbe.

 

Les propriétés du sol analysées de manière scientifique

Lors du travail quotidien ou en compétition, les chevaux de sport ont l’habitude de se mouvoir sur différents types de sols, qui absorbent la force d’impact de leurs sabots, de leurs membres et indirectement de leur corps entier de manière plus ou moins efficace. Au cours des dernières années, de plus en plus d’études scientifiques ont porté sur les propriétés idéales des terrains équestres. L’article «Le sol idéal: herbe versus sable», paru dans le «Bulletin» 03/2014, traitait déjà des aspects importants de différentes propriétés de ceux-ci. La Fédération Equestre Internationale (FEI) a également publié une première norme pour les sols de compétitions internationales en se basant sur une enquête réalisée auprès de cavaliers chevronnés ainsi que sur le document «Equine Surfaces Whitepaper», qui résume les résultats de recherche de spécialistes de la question.

Les études scientifiques réalisées sur le sujet évaluent différents terrains selon leur fermeté, leur capacité d’amortissement, leur élasticité, leur adhérence et leur régularité. Les données obtenues lors de l’évaluation de ces critères permettent ensuite de qualifier le sol analysé comme étant dur, moyen ou mou.

Tableau 2: Valeurs moyennes des propriétés du sol testées pour la carrière en herbe et celle en sable Tableau 2: Valeurs moyennes des propriétés du sol testées pour la carrière en herbe et celle en sable

L’expérience: cavaliers, chevaux et test de performance

Cinq chevaux, quatre demi-sangs suisses et un demi-sang hollandais, ont participé à l’expérience réalisée dans le cadre du travail de recherche. Tous les animaux, âgés de 7 à 14 ans (moyenne d’âge: 10,4 ans), prenaient régulièrement part à des compétitions de saut dans des catégories sur 100 à 120 cm. Pour les tests de performance, ils étaient montés par leurs cavaliers habituels, trois femmes et deux hommes.

Les chevaux ont été soumis à un test de performance standardisé conçu spécialement pour eux et les conditions de l’expérience (cf. tableau 1). Etant donné que deux pulsomètres de la marque POLAR V800 étaient à disposition de la chercheuse, deux chevaux ont pu effectuer le test simultanément. Ce n’est qu’une fois que les deux premiers chevaux avaient accompli la totalité du test sur les différents sols que le troisième et le quatrième, et, pour finir, le cinquième cheval, commençaient le test. Le premier jour d’expérience, après un échauffement de 15 minutes, les chevaux ont d’abord effectué le test sur le terrain en sable. La fréquence cardiaque des chevaux était enregistrée au moyen des pulsomètres POLAR, l’affichage de ceux-ci étant réglé de manière à ce que les cavaliers puissent voir la vitesse à laquelle ils évoluaient et ainsi respecter les exigences données pour chaque allure. Pour chaque cadence enregistrée, le recueil des données à évaluer ne débutait qu’après environ deux minutes, soit la durée nécessaire pour que la fréquence cardiaque s’habitue à la cadence et se stabilise. Une fois que les chevaux avaient effectué le test sur le sable, la cavalière resp. le cavalier mettait pied à terre et menait sa monture au pas pendant environ dix minutes, le temps que la fréquence cardiaque de repos, c’est-à-dire entre 30 et 36 pulsations par minute, soit atteinte. Ensuite, la cavalière, resp. le cavalier, se remettait en selle et effectuait le même test sur l’herbe (image 1).

Le premier jour d’expérience en décembre 2018, la température extérieure se trouvait entre 0 °C et 0,5 °C et l’humidité de l’air entre 86% et 90%. Le jour suivant, les chevaux ont effectué le même test, d’abord sur l’herbe, puis, après la phase de récupération décrite plus haut, sur le sable. La température extérieure se situait alors entre 2 °C et 5 °C et l’humidité de l’air entre 84% et 92%.

Image 1: Test de performance standardisé sur une carrière en sable (en haut) resp. un terrain en herbe (en bas).  © HAFL Image 1: Test de performance standardisé sur une carrière en sable (en haut) resp. un terrain en herbe (en bas). © HAFL

© HAFL © HAFL

L’analyse du sol

Deux carrières extérieures situées dans le canton de Vaud étaient à disposition de la chercheuse pour la récolte des données. Il s’agissait d’une piste en sable avec agrégats synthétiques de 55 × 40 mètres ainsi que d’un terrain en herbe aux dimensions de 105 × 32 m. Différents essais de chargement ont été effectués à quatre endroits distincts sur les deux carrières: pistes extérieures face à face, coin et milieu de la volte. Pour chaque paramètre de mesure en ces quatre localisations a ensuite été calculée une valeur moyenne par répétition et par carrière.

Les propriétés mécaniques du sol en ces endroits ont été évaluées au moyen d’une masse tombante légère (10 kg) de la société Zorn. La masse a été lâchée neuf fois de suite d’une hauteur de 0,7 mètre sur la plaque de mesure (30 cm de diamètre). Neuf mesures ont donc été prises pour chaque localisation (image 2), permettant de déterminer le tassement en millimètres, la fermeté en millinewtons (mN) par mètre carré ainsi qu’une première approximation de l’amortissement, quotient du tassement et de la vitesse de tassement moyenne en millisecondes (ms). L’élasticité du sol aurait également pu être identifiée avec la masse tombante légère grâce aux courbes de repositionnement. Celles-ci n’ont cependant pas été prises en considération lors de cette expérience en raison du fait qu’il n’existe pas de méthodes standardisées et automatisées permettant d’évaluer ces données.

L’humidité du sol a été mesurée grâce à une sonde hygrométrique produite par Delta T Devices. La sonde est introduite dans la terre jusqu’à ce que la tête de mesure touche le sol et que les aiguilles, longues de 10 centimètres, ne soient plus visibles. L’humidité (%vol.) est alors affichée directement sur l’écran.

Image 2: Sonde hygrométrique (à gauche) et masse tombante légère (à droite) ainsi que la carrière à analyser en arrière-plan  © HAFL Image 2: Sonde hygrométrique (à gauche) et masse tombante légère (à droite) ainsi que la carrière à analyser en arrière-plan © HAFL

Résultats

Les valeurs moyennes des différentes mesures prises aux quatre endroits plus ou moins sollicités des deux carrières figurent au tableau 2. Les mesures indiquent que la piste en herbe est relativement souple et qu’elle dispose de bonnes capacités d’amortissement. Le carré en sable, quant à lui, est plus dur et amortit moins bien les chocs. Grâce aux résultats obtenus par d’autres études, on peut partir du principe que les sols présentant une fermeté inférieure à 10 mN/m2 sont trop mous, tandis que ceux ayant des valeurs supérieures à
20 mN/m2 sont trop durs. En outre, une vitesse de tassement de 5 ms, mesurée au moyen de la masse tombante, semble indiquer une capacité d’amortissement idéale du terrain. Des valeurs inférieures à 4 ms signifient que le sol est trop dur et qu’il n’amortit pas assez bien, tandis que des valeurs supérieures à 6 ms indiquent que le terrain est trop mou et qu’il amortit les chocs de façon excessive.

Les courbes de tassement et de repositionnement permettent également de tirer des conclusions sur l’élasticité du sol: plus le tassement suivi d’un repositionnement est symétrique, plus le terrain est élastique. Bien qu’elle n’ait pas été explicitement calculée dans cette expérience, le tracé de la courbe de la carrière en herbe suggère une élasticité plus élevée.

La fréquence cardiaque moyenne (battements par minute, bpm) des cinq chevaux au pas, trot, galop de travail et galop rapide sur l’herbe et le sable est illustrée dans l’image 3. On peut constater que la fréquence cardiaque aux différentes allures est légèrement plus élevée sur le sable que sur l’herbe.

A partir de ces données, les vitesses atteintes à une fréquence cardiaque de 140 bpm, appelée valeur V140, ont été déterminées. Cet indicateur de performance permet de qualifier la condition physique des chevaux demi-sang lors d’efforts de faible intensité. A une fréquence cardiaque de 140 bpm, les cinq chevaux ont atteint une vitesse supérieure et donc une meilleure performance sur la carrière en herbe, et ce les deux jours d’expérience. Le premier jour, à une fréquence cardiaque de 140 bpm, ils ont atteint une vitesse de 6,6 ±0,6 m/s sur l’herbe et de 5,0 ±0,4 m/s sur le sable. Le deuxième jour, la valeur V140 était de 6,5 ±0,3 m/s sur l’herbe et de 5,8 ±0,4 m/s sur le sable. D’un point de vue statistique, ces différences sont significatives (p <0,05).

Image 3: Évolution de la fréquence cardiaque moyenne des cinq chevaux par allure en fonction des deux terrains Image 3: Évolution de la fréquence cardiaque moyenne des cinq chevaux par allure en fonction des deux terrains

Conclusion

Dans la présente étude, les différentes propriétés du sol ont influencé la performance des chevaux. Les chevaux se déplaçaient avec une fréquence cardiaque inférieure et ont atteint de meilleures performances sur le terrain naturel plus souple, moins compact resp. moins dur avec de meilleures capacités d’amortissement que sur la carrière synthétique en sable, plus dure. L’expérience pratique a permis d’évaluer dix tests de performance sur l’herbe et dix sur le sable de cinq chevaux différents. Les résultats obtenus laissent apparaître une certaine tendance, il faudrait cependant procéder à plusieurs séries de tests avec un nombre plus élevé de chevaux pour pouvoir obtenir des résultats plus fiables.

Bien que les propriétés d’un terrain donné varient fortement selon la météo, la fréquence d’utilisation et l’entretien, les cavalières et les cavaliers doivent être conscients de l’effet de celles-ci sur la performance de leurs chevaux. Il est recommandé de monter sur différents types de sol, surtout lors du travail quotidien, afin d’habituer l’appareil locomoteur du cheval à diverses sortes de terrain et de prévenir de cette manière des blessures dues à l’entraînement excessif sur des sols trop durs ou trop mous.

Conny Herholz
Déborah Garlagiu
Matthias Stettler

Les principales propriétés des sols équestres

La fermeté d’une carrière dépend surtout de sa structure (fondation, couche porteuse,
couche de travail) ainsi que du type et de la dureté des couches qui la composent. Plus la
fermeté est élevée, plus le sol est résistant et durable. Une fermeté trop élevée conduit
cependant à des chocs importants et endommage ainsi l’appareil locomoteur du cheval.

L’amortissement est la capacité du sol à absorber les forces d’impact de manière dosée et
de les atténuer. La capacité d’amortissement est principalement déterminée par les
propriétés de la couche porteuse et de la couche de travail et constitue le contrepoids de la
fermeté. Un sol très mou a une fermeté faible et une capacité d’amortissement trop élevée,
le cheval doit donc fournir de gros efforts pour se déplacer.

L’élasticité ou la réactivité décrit la capacité du sol à se déformer de manière élastique et
de renvoyer les forces exercées sur lui. Les pistes de compétition ont en général une
élasticité plutôt élevée, tandis que l’élasticité des carrières d’entraînement, moins dures, est
plus faible. L’élasticité avec laquelle un terrain réagit sous les mouvements du cheval est
principalement déterminée par l’impression du cavalier resp. par une analyse des mouvements
du cheval. Un même cheval peut en effet se mouvoir de façon peu expressive sur un
sol et présenter des mouvements plus amples et rebondissants sur un sol plus élastique.

L’adhésion ou la résistance au cisaillement est déterminée par le matériau et la composition
de celui-ci. Le risque que le cheval ne glisse dépendra donc principalement du matériau
constituant le terrain en question.

La régularité décrit les propriétés du sol dans l’espace et dans le temps. Une carrière
devrait présenter des propriétés égales sur toute sa surface et à n’importe quel moment.

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