La Fédération Suisse des Sports Equestres emboîte le pas à la Fédération internationale FEI en introduisant une règlementation au niveau national concernant la démarche en cas de saignement du cheval. En théorie et sur papier, il n’y a aucune discussion: des chevaux présentant des saignements n’ont rien à faire dans une manifestation sportive respectant les directives éthiques. Mais qu’en est-il de la pratique? Entretien avec le président de la FSSE, Charles Trolliet.
Le sport équestre est sous l’oeil du public sur place et des médias. (image: Nicole Basieux)
«Bulletin»: Charles Trolliet, pourquoi la FSSE introduit-elle cette règlementation également au niveau national?
Charles Trolliet: Ce thème est traité depuis de nombreuses années par la FEI et nous avons estimé qu’il était nécessaire de clarifier la situation au niveau national également. En effet, il existait une certaine incertitude sur la façon de procéder et les mesures à prendre lorsqu’on constate la présence de sang sur un cheval lors d’une compétition.
Les traces de sang sur le cheval, par exemple à la bouche ou aux flancs, conduisent-elles automatiquement à l’élimination lors d’une manifestation hippique?
Oui, s’il est avéré que le saignement est dû à une action du cavalier, la paire sera conséquemment toujours disqualifiée, du moins pour l’épreuve concernée. La disqualification peut cependant aussi valoir pour les épreuves suivantes, si par exemple un saignement avant l’épreuve entraîne une interdiction de prendre le départ.
Il s’agit là de deux exemples s’étant produits déjà plusieurs fois au niveau international et qui ont été réglés de cette manière. Mais qu’en est-il de l’épreuve de cross en Concours Complet ou des épreuves de terrain et de maniabilité en Attelage? Le cheval peut s’écorcher le genou sur un tronc d’arbre ou s’égratigner l’épaule à un obstacle de terrain en attelage. Ces cas-là entraînent-ils également l’élimination automatique?
Seuls les saignements en relation avec les actions directes du cavalier (main, jambes, cravache, etc.) entraînent une élimination automatique. Les autres cas doivent être examinés individuellement (avec l’aide du vétérinaire) pour décider si le cheval doit être ou non disqualifié, respectivement s’il peut ou non poursuivre la compétition.
Seuls les saignements en relation avec les actions directes du cavalier (main, jambes, cravache, etc.) entraînent une élimination automatique.
Où se trouve donc la limite entre un saignement provoqué par l’action du cavalier et un saignement sans action du cavalier ou du meneur? Car c’est quand même toujours le cavalier ou le meneur qui agit, du moins indirectement.
On entend clairement par action du cavalier les actions directes comme mentionné plus haut. Il est clair que le simple fait de transporter un cheval ou de le faire concourir comporte un risque (minime) de blessure. Dans de tels cas, outre la responsabilité propre du cavalier/meneur de savoir si le cheval peut sans préjudice prendre le départ, les officiels ont également leur rôle à jouer, le plus important étant de savoir si le cheval est en état de concourir sans souffrance.
Les officiels, comme ici les juges d’une épreuve de Dressage, contrôlent et appliquent les règlements en conséquence. (image: Nicole Basieux)
Dans certaines disciplines comme le concours complet, l’attelage et l’endurance en particulier, les chevaux doivent avoir une certaine condition physique et il se peut qu’un cheval saigne du nez, ce qui est généralement dû à l’éclatement de vaisseaux sanguins et n’entraîne pas d’autres conséquences. Comment une telle situation est-elle réglée?
Comme le mentionne clairement le règlement, il faut qu’il y ait eu une action du cavalier, ce qui n’est pas le cas dans un tel cas. Toutefois, un saignement depuis les naseaux n’est pas toujours anodin et l’avis du vétérinaire permettra au président du jury de décider si des mesures sont à prendre.
La FSSE s’engage depuis de nombreuses années déjà en faveur de respect du cheval, que ce soit dans les compétitions, dans l’entraînement ou dans les loisirs.
Les guêtres par exemple sont contrôlées à la sortie du parcours lors d’épreuves de saut internationales. (image: Nicole Basieux)
Ou si un cheval chute lors d’une course d’endurance, qu’il glisse sur le goudron et s’écorche les genoux, qu’il saigne mais ne présente pas de boiterie ou autre signe de mal-être: comment les officiels doivent-ils réagir dans ce cas-là?
Là aussi, l’avis du vétérinaire doit permettre au président du jury de prendre sa décision. Mais le premier concerné reste bien entendu le cavalier qui doit de lui-même décider s’il veut ou non continuer l’épreuve. Comme le mentionne l’article 1.15 du RG, toutes les personnes concernées doivent se comporter de façon correcte face à leurs chevaux.
Quelles possibilités s’offrent au cavalier s’il n’est pas d’accord avec la décision du président du jury?
Comme le mentionne le RG, la décision est définitive en ce qui concerne la présence de sang; il n’y a pas de recours possible.
Le Règlement général (RG) mentionne l’éthique resp. les directives éthique sous le point 1.15. De quoi s’agit-il?
Actuellement, la FSSE se base sur le «Code of Conduct» de la FEI, mais nous sommes en train d’élaborer un document similaire, adapté aux spécificités de notre pays et de nos épreuves. Ce document sera mis en consultation au début de l’été et présenté à l’assemblée des membres de l’automne prochain.
En plus de ces modifications du Règlement général, quelles autres mesures qui ne sont pas déjà revendiquées par les associations de protection des animaux la FSSE prend-elle pour plus de fair-play et des sports équestres éthiquement correctes?
La FSSE s’engage depuis de nombreuses années déjà en faveur de respect du cheval, que ce soit dans les compétitions, dans l’entraînement ou dans les loisirs. Diverses règles (pratiques interdites, limitation du nombre de départ, âge minimum pour concourir, matériel prohibé, etc.) sont déjà en vigueur. D’autre part, il est bien clair que les dispositions de la législation sur la protection des animaux doivent être intégralement respectées et que nous ne pouvons tolérer d’exceptions en la matière. Enfin, la formation et la sensibilisation sur ce thème de toutes les personnes qui pratiquent les sports équestres est très importante et le nouveau concept de formation en cours de réalisation insistera encore plus sur ce sujet.
Aucun objectif en termes de résultats sportifs ou économiques ne peut justifier d’y déroger!
Quels conseils donnez-vous aux cavaliers et meneurs?
Le respect et le bien-être du cheval doivent toujours primer sur toute autre considération! Aucun objectif en termes de résultats sportifs ou économiques ne peut justifier d’y déroger! Si nous pratiquons notre sport avec cette pensée dans notre tête, nous agissons aussi bien dans l’intérêt des chevaux que dans celui de tous les sports équestres, de compétition comme de loisir.
Nicole Basieux
Les chevaux d’attelage à 4 sont eux aussi minutieusement scrutés avant, pendant et après chaque épreuve des concours internationaux. (image: Nicole Basieux)