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Les chevaux sous pression: comment minimiser l’impact du poids du cavalier

23 août 2021 10:25

La mesure des pressions sous la selle des chevaux avec une synchronisation vidéo permet d’observer quel mouvement du cheval et/ou du cavalier entraîne quel type de pression. Ainsi, il est possible d’objectiver les effets de la selle sur le dos des chevaux au travail et d’observer en direct les effets de l’équitation pratiquée, c’est-à-dire l’impact du cavalier.

Pour qu’un cavalier crée le minimum d’impact sur le dos de son cheval, la selle devrait reposer de manière la plus homogène possible, donc reposer «à plat» et bien centrée de chaque côté de la colonne. Cependant, la répartition des pressions sous la selle dépend de bien plus de paramètres encore: de la selle, bien sûr, de son adaptation et de sa surface portante; du cavalier, de sa conformation, de son état physique et de son équilibre; du cheval, de sa conformation, de son état physique et de son équilibre; des forces créées par la dynamique des mouvements, paramètre bien moins connu.

Fig. 1: Plus il y aura un déséquilibre entre les longueurs des demis foulées, plus la ligne de dos du cheval sera déséquilibrée. (Photo: Simone Ravenel Kohler) Fig. 1: Plus il y aura un déséquilibre entre les longueurs des demis foulées, plus la ligne de dos du cheval sera déséquilibrée. (Photo: Simone Ravenel Kohler)

Interactions complexes

Si la selle est déséquilibrée, elle va créer des surpressions répétées à chaque foulée, concentrées au même endroit du dos, ce qui va finir par engendrer chez le cheval des contractures et surtout un changement de posture pour fuir cette pression et donc des difficultés à terme pour se déplacer de manière optimale.

Une selle qui concentre la pression sous la zone arrière de la selle va faire creuser le dos du cheval: si c’est sur un côté de la colonne, cela va créer une inflexion du dos; si c’est sur le garrot, cela va faire descendre la cage thoracique entre les épaules - et donc créer les fameux «trous» derrière les épaules.

La mesure des pressions sous la selle est complexe car elle restitue des mouvements en trois dimensions. Si on décompose ces mouvements sur les deux axes principaux, il est plus simple de comprendre les répartitions de ces pressions: l’axe entre l’avant et l’arrière de la selle, en lien avec l’équilibre horizontal du cheval, et l’axe entre les panneaux droit et gauche de la selle, en lien avec son équilibre latéral. Tout déséquilibre dans ces deux axes va être visible au niveau de la répartition des pressions sous la selle et surtout se fera de façon répétitive à chaque foulée. Cela surviendra malgré une selle adaptée, car c’est le déséquilibre du cheval ou du cavalier qui en est la cause.

 

L’équilibre horizontal

L’équilibre horizontal, appelé aussi «longitudinal», est l’équilibre entre l’avant-main et l’arrière-main. Le but de la basse école est de développer les muscles nécessaires pour que le cheval puisse se porter en équilibre avec un cavalier sur le dos. Quand la longueur des foulées sera synchronisée, le dos du cheval (au trot) sera horizontal et très agréable pour le cavalier. Au niveau du cavalier, cet équilibre se vit dans le mouvement d’avant en arrière du bassin. [Fig. 1]

De même si on imagine les actions de la vitesse et des rênes sur ces «bulles moteur» qui peuvent monter ou descendre selon l’activité demandée au cheval, on comprend mieux pourquoi trop de moteur derrière fera plutôt monter la croupe si on freine le cheval devant. Si le cheval est toujours travaillé ainsi, avec trop d’activité derrière et trop de frein devant, les muscles nécessaires à cette posture vont se développer, et ne sont pas bénéfiques à la santé à long terme du cheval. [Fig. 2]

Fig. 2: Le jeune cheval est par essence équilibré (image à gauche). Lorsqu’un cavalier va venir s’asseoir sur l’avant de son dos (image au milieu), son poids va faire descendre l’avant de la cage thoracique du cheval entre les épaules. Le cheval va devoir utiliser les muscles qui retiennent la cage thoracique (les muscles en vert foncé) pour ne pas creuser le dos. Si les muscles actifs (bleus) ne sont pas travaillés spécifiquement, les muscles en vert foncé qui retiennent la cage thoracique vont se tonifier et déséquilibrer encore plus le corps du cheval. A noter que si les muscles qui retiennent la colonne n’ont plus suffisamment de force, le dos va finir par se creuser devant ET derrière. Pour réobtenir son équilibre (image à droite), le cheval va devoir développer les muscles en bleu, à savoir les muscles qui élèvent la cage thoracique entre les épaules (élévation du garrot) et ceux de l’engagement des postérieurs. C’est donc l’ensemble des muscles qui portent le cavalier qui sont travaillés en même temps. (Photo: Simone Ravenel Kohler) Fig. 2: Le jeune cheval est par essence équilibré (image à gauche). Lorsqu’un cavalier va venir s’asseoir sur l’avant de son dos (image au milieu), son poids va faire descendre l’avant de la cage thoracique du cheval entre les épaules. Le cheval va devoir utiliser les muscles qui retiennent la cage thoracique (les muscles en vert foncé) pour ne pas creuser le dos. Si les muscles actifs (bleus) ne sont pas travaillés spécifiquement, les muscles en vert foncé qui retiennent la cage thoracique vont se tonifier et déséquilibrer encore plus le corps du cheval. A noter que si les muscles qui retiennent la colonne n’ont plus suffisamment de force, le dos va finir par se creuser devant ET derrière. Pour réobtenir son équilibre (image à droite), le cheval va devoir développer les muscles en bleu, à savoir les muscles qui élèvent la cage thoracique entre les épaules (élévation du garrot) et ceux de l’engagement des postérieurs. C’est donc l’ensemble des muscles qui portent le cavalier qui sont travaillés en même temps. (Photo: Simone Ravenel Kohler)

Les observables chez un cheval en équilibre horizontal

Lorsque le cheval se trouve en équilibre horizontal, les demi-foulées sont de longueur identique (bleu) et l’arche de l’encolure est orientée vers le haut (jaune), signe que le garrot et toute la cage thoracique sont en élévation tonique via la ceinture scapulaire entre les épaules et par l’engagement des postérieurs. Par ailleurs, les sabots des diagonaux se lèvent en même temps et se posent en même temps. L’amortissement et la propulsion du corps du cheval se font de manière égale entre les antérieurs et les postérieurs. Le triangle formé par les membres sous le corps (rouge) est régulier. [Fig. 3]

Fig. 3: Lorsque le cheval est en équilibre, les pressions sont homogènes sous les panneaux de la selle (adaptée). (Photo: Simone Ravenel Kohler) Fig. 3: Lorsque le cheval est en équilibre, les pressions sont homogènes sous les panneaux de la selle (adaptée). (Photo: Simone Ravenel Kohler)

Les observables d’un cheval en déséquilibre horizontal

Un cheval en déséquilibre sur les épaules donne l’impression générale de la croupe qui s’élève et du garrot qui descend (vert). Les demi-foulées sont d’une longueur plus grande devant que derrière (bleu). La base d’encolure (jaune) semble gonflée, signe que le garrot et la cage thoracique sont retenus par des muscles passifs. Le dos est creux à l’arrière, faute d’engagement des postérieurs (vert). Le sabot antérieur du diagonal au sol quitte le sol en dernier et dans la phase suivante du trot, le sabot antérieur de l’autre diagonal se pose en premier. Le triangle rouge formé par les membres sous le corps est déséquilibré sur l’avant. [Fig. 4]

Fig. 4: Le cheval en déséquilibre horizontal, les pressions sont à l’avant de la selle. (Photo: Simone Ravenel Kohler) Fig. 4: Le cheval en déséquilibre horizontal, les pressions sont à l’avant de la selle. (Photo: Simone Ravenel Kohler)

Il y a donc des phases où tout le poids du cheval est sur un antérieur. Celui-ci est souvent très en arrière sous le cheval, ce qui met énormément de pression sur le naviculaire, les ligaments suspenseurs, l’angle et l’alignement de l’os du sabot, etc.

Il n’est pas rare de voir alors le cavalier penché en arrière de la verticale, une manière réflexe de compenser un dos du cheval «en toboggan». Les pressions sous la selle sont concentrées à l’avant des panneaux de la selle, voire derrière les épaules, car la selle glisse inexorablement en avant.

 

Piste de travail pour améliorer l’équilibre horizontal

Une des clés de l’équilibre horizontal est le tempo. Un cheval trop stimulé va être déséquilibré sur l’avant tant qu’il n’a pas pu développer la musculature apte à soutenir sa cage thoracique entre ses épaules. Il ne faut pas oublier qu’un cheval actif et équilibré l’est même en faisant des foulées courtes et lentes: tant qu’elles sont de la même longueur, avec un poser et un lever des sabots synchronisé, c’est parfait! C’est ainsi que le cheval pourra développer la musculature nécessaire à l’équilibre horizontal sous le cavalier. Le bon tempo de travail du cheval s’obtient lorsqu’on réduit l’allure à son minimum puis le cavalier arrête toutes ses aides. Le bon tempo du cheval sera celui qu’il peut tenir seul, sans action de son cavalier.

 

L’équilibre latéral

Par équilibre latéral, on entend l’équilibre du corps entre son côté gauche et son côté droit. Au niveau du cavalier, cet équilibre se ressent comme la répartition de pression entre l’ischion droit et l’ischion gauche et entraîne un mouvement de latéroflexion dans nos lombaires. La cage thoracique du cheval pivote entre le côté gauche et le côté droit à chaque phase de la foulée et le moment où elle est verticale vue de face est le moment où l’antérieur est à la verticale vu de profil. Plus l’antérieur reste au sol longtemps sous le corps du cheval, plus la rotation de la cage thoracique sera importante. Ce mouvement est normal. Le jeune cheval va devoir tonifier ses muscles stabilisateurs pour minimiser ces mouvements.

Si le cheval est dissymétrique (latéralité par exemple, le fait d’être droitier ou gaucher), le cavalier, par sa position, va amplifier le déséquilibre et faire tourner la selle d’un côté. Cette surpression, par exemple sur le côté droit du garrot, va se répéter à chaque foulée et devenir de plus en plus importante avec la vitesse, ce qui va créer un cercle vicieux du cheval infléchi à droite qui fait tourner sa selle à gauche, créant encore plus de pression sur le côté droit du garrot, etc.

Au surplus, la rotation de l’arrière-main, qui se produit dans le sens inverse de celle de l’avant-main, est la cause d’une grande partie des gonfles sur le dos du cheval et de certains frottements.

 

Autres facteurs influençant le déséquilibre latéral

L’impact du cavalier est important sur l’équilibre latéral du cheval et de la selle. Il peut exercer plus de pression sur un côté de son corps par rapport à l’autre côté s’il est lui-même dissymétrique.

De même, toute douleur du cheval peut créer ce déséquilibre. Un contrôle vétérinaire est toujours indiqué en cas de selle qui tourne toujours du même côté lorsque le sellier a exclu une inadaptation de la selle ou qu’on a essayé une autre selle et qu’elle tourne aussi.

Une problématique supplémentaire va s’ajouter lors des voltes: la force centrifuge. Elle entraîne le cavalier et la selle à l’extérieur du cheval, ce qui sur un cheval déjà dissymétrique en ligne droite va aggraver les surpressions sur la colonne du cheval. A noter que dans des cas graves, cette surpression peut dépasser celle exercée sur le garrot lorsqu’on monte sur le cheval depuis le sol, tout en se reproduisant à chaque foulée.

 

Les observables d’une dissymétrie latérale

Lorsque l’on observe que la selle tourne toujours du même côté du cheval et que les traces de transpiration ne sont pas pareilles ou pas centrées entre le côté gauche et le côté droit sur le dos du cheval, il faut prendre cela comme de possibles indicateurs d’une dissymétrie latérale, au même titre que des traces de saleté dissymétrique sous le tapis après le travail ou des poils blancs d’un seul côté du cheval.

D’autres indices sont des traces des ischions pas centrées sur le siège de la selle ou un cavalier présentant des douleurs lombaires d’un côté après avoir monté.

Ces observables n’expliquent pas la cause, mais sont intéressants à suivre dans le cadre du travail de rééquilibrage. [Fig. 5]

Fig. 5: Même phase de la foulée, même cavalière, même selle; une fois main droite puis main gauche: lorsqu’il y a une dissymétrie, la volte amplifie le déséquilibre et donc la pression sous la selle sur une main. Fig. 5: Même phase de la foulée, même cavalière, même selle; une fois main droite puis main gauche: lorsqu’il y a une dissymétrie, la volte amplifie le déséquilibre et donc la pression sous la selle sur une main.

Piste de travail pour améliorer l’équilibre latéral

La clé du travail de l’équilibre latéral repose dans les mouvements de la cage thoracique entre son côté droit et son côté gauche. La tête du cheval sert de balancier, il va donc la mettre du côté opposé par rapport à celui où la cage thoracique se penche. Il existe de nombreuses manières de tonifier les muscles stabilisateurs du cheval. Il est important de comprendre que tirer sur la rêne pour remettre la tête du cheval dans l’axe est clairement contre-productif: au lieu d’aider le cheval à se recentrer, cela augmente le déséquilibre.

Le cavalier étant souvent lui-même une source de déséquilibre, il peut opter pour des sports conciliant équilibre et force comme le crossfit ou les activités posturales de type Pilates ou yoga.

Fig. 6: Même cheval, même selle, même phase de la foulée, deux cavaliers différents. Fig. 6: Même cheval, même selle, même phase de la foulée, deux cavaliers différents.

L’impact du cavalier

Un point important à prendre en compte dans le contexte des pressions sous la selle, c’est que le cavalier peut utiliser son corps pour amortir son impact sur le dos du cheval. Certes, son poids est immuable, c’est physique, mais la force exercée sur le dos du cheval dépend aussi de la vitesse. Plus l’allure est vive, plus la force est multipliée, jusqu’à deux ou trois fois le poids du cavalier au trot, voire davantage au galop …

Le cavalier peut amortir ces chocs en utilisant ses jambes comme lorsqu’on saute en bas d’une marche, en fléchissant les genoux pour absorber une partie du choc de la réception au sol avec les muscles des cuisses. Il est donc conseillé d’user et d’abuser de la suspension afin d’alléger l’impact sur le dos, tout particulièrement avec les jeunes chevaux. De manière générale, c’est l’assiette équilibrée du cavalier avec des hanches qui suivent le mouvement du cheval de façon souple et une tension corporelle fonctionnelle qui permet au cheval de porter plus facilement le poids du cavalier - posture qui exige une certaine aisance athlétique du cavalier.

On a souvent mis en cause l’adaptation de la selle comme source des problèmes de dos de nos chevaux. Mais on a rarement parlé de l’impact physique du cavalier, qui, de par sa position sur le dos du cheval, crée un effet de levier qui amplifie l’importance des déséquilibres du cheval. Un cheval qui a beaucoup d’instabilité latérale exige un grand effort du cavalier pour que ce dernier puisse se stabiliser lui-même. De même, le propre déséquilibre latéral du cavalier peut créer un déséquilibre latéral du cheval d’où l’importance d’être stable et centré sur son cheval. Lorsqu’un cheval se déplace en équilibre monté par un cavalier lui-même en équilibre, ils vont engendrer une répartition homogène des pressions sous la selle. Cela est très agréable pour le cheval et pour le cavalier et représente la condition absolue d’une complicité harmonieuse entre le cheval et son cavalier.

Simone Ravenel Kohler

 

Sur l’auteur
Pour Simone Ravenel Kohler, ingénieur de formation et ostéopathe équin, créer des pièces qui vont s’emboîter avec précision et comprendre les forces qui vont les entraîner est indispensable pour faire les montres suisses qui donnent l’heure exacte. Ainsi, décomposer le cheval et comprendre comment il bouge lui a été d’une très grande aide pour mieux visualiser tous les paramètres qui influencent la biomécanique du cheval, donc les pressions sous la selle.

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