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Médecine du sport pour chevaux: premiers résultats de l’étude sur le dos

17 décembre 2019 08:00

De plus en plus de chevaux présentant des baisses de performances, des problèmes sous la selle ou des troubles du comportement sont amenés au département de médecine du sport de la clinique vétérinaire de l’Université de Zurich. Bien souvent, il s’agit là de symptômes de douleurs dorsales. Afin de prouver ses observations de manière scientifique, le Prof. Dr méd. vét. Michael Weishaupt a lancé, avec le soutien, entre autres, de la fondation ProPferd et de la FSSE, une vaste étude sur la santé du dos des chevaux de selle en Suisse. Les premiers résultats de cette étude ont été présentés lors du symposium PFERDE tenu du 8 au 10 novembre à la clinique vétérinaire de Zurich.

La Dr méd. vét. Selma Latif a présenté les résultats scientifiques de façon à ce que tout le monde les comprenne. (Photo: A. Heimgartner) La Dr méd. vét. Selma Latif a présenté les résultats scientifiques de façon à ce que tout le monde les comprenne. (Photo: A. Heimgartner)

L’étude reposait sur 248 binômes cavalier-cheval qui se sont portées volontaires pour être analysées. La seule condition préalable était que les cavalières et les cavaliers considéraient qu’ils étaient, eux-mêmes ainsi que leur cheval, en bonne santé et qu’ils ne souffraient d’aucun problème physique.

 

Des facteurs multiples à prendre en considération

Il est bien connu qu’il n’existe pas qu’un seul facteur pouvant causer des problèmes de dos, c’est pourquoi l’étude portait sur les liens concrets qui existent entre différents facteurs comme la selle, la cavalière ou le cavalier et le style d’équitation. Les chevaux ont donc non seulement été soumis à des contrôles orthopédiques et chiropratiques, en partie également à l’aide de radiographies et d’échographies, mais les selles utilisées et la condition physique des cavalières et des cavaliers ont également été étudiées.

 

Qui a participé?

Les chevaux ayant participé à l’étude étaient âgés de 5 à 18 ans, 59% étaient des hongres, 38% des juments et 4% des étalons. La majorité des chevaux étaient de race demi-sang (64%). Près d’un tiers des chevaux étudiés étaient détenus dans des boxes sans aire de sortie, 45% d’entre eux vivaient dans des boxes avec aire de sortie.

L’âge moyen des cavalières et cavaliers était de 37 ans, 93% étaient des femmes et 54% se définissaient comme des cavalières resp. des cavaliers de compétition ambitieux. Les participants avaient en moyenne 25 ans d’expérience.

 

Les problèmes de dos n’affectent pas forcément la performance

Le Dr méd. vét. Selma Latif, vétérinaire spécialisée en médecine du sport et en réhabilitation équine, thérapeute manuelle et collaboratrice scientifique du département de médecine du sport de la faculté Vetsuisse de l’Université de Zurich, a expliqué qu’un tiers des chevaux déclarés comme étant en bonne santé par leur propriétaire présentaient une sensibilité à la douleur moyenne à accrue lors de l’examen du dos. Cela signifie, selon le Dr Latif, que la volonté de performance sous la selle n’est pas une indication fiable pour déterminer si le cheval a des douleurs ou non. Dans le cadre de l’étude cependant, des comportements inhabituels lors du pansage ont pu être mis en relation avec des problèmes de dos avec grande certitude. La vétérinaire a également évoqué le problème des interprétations erronées: le cheval fait-il réellement des sauts de joie après l’obstacle? Agit-il réellement par manque de volonté lorsqu’il ne répond pas aux aides du cavalier? Ou s’agit-il dans l’un comme dans l’autre cas de réactions face à la douleur?

A l’inverse, certains chevaux présentaient des signes de douleur sous le cavalier ou la cavalière, mais pas à la longe ou à l’arrêt, c’est pourquoi l’équipe de chercheurs recommande de toujours soumettre les chevaux présentant des symptômes de problèmes de dos à une analyse complète - à l’arrêt et en mouvement, avec et sans cavalier, du ferrage à la selle. Cette approche a été soulignée par l’indication qu’un traitement de la douleur seul ne suffisait pas pour guérir le cheval sur le long terme mais que tous les facteurs d’influence devaient être optimisés et qu’une nouvelle manière de se mouvoir sous le cavalier resp. la cavalière devait être entraînée afin de maintenir le cheval en bonne santé tout au long de sa vie.

Le Prof. Dr méd. vét. Michael Weishaupt a volontiers répondu aux questions personnelles des participants du symposium. (Photo: A. Heimgartner) Le Prof. Dr méd. vét. Michael Weishaupt a volontiers répondu aux questions personnelles des participants du symposium. (Photo: A. Heimgartner)

Des procédés d’imagerie en cas de problèmes de dos

Des méthodes d’analyse comme la radiographie et l’échographie sont des éléments importants d’un examen complet des douleurs dorsales chez le cheval, a expliqué le Prof. Dr méd. vét. Stefanie Ohlerth. Les radiographies rendent visibles les structures osseuses comme les articulations et les corps vertébraux ainsi que les apophyses épineuses. Les échographies permettent d’analyser les articulations vertébrales et les parties molles du dos comme les muscles et les ligaments. En raison de la grande taille du cheval, les radiographies et les échographies ne permettent malheureusement pas d’analyser l’ensemble des structures du dos de celui-ci. Dans le cadre de l’étude, des procédés d’imagerie ont été utilisés sur 71 chevaux.

Les premiers résultats permettent de constater que les demi-sangs sont davantage touchés par des problèmes de dos que d’autres chevaux de taille plus petite. En outre, des constatations faites à l’aide de procédés d’imageries n’ont pas (encore) forcément des incidences sur les performances ou les allures du cheval. L’analyse des radiographies a montré que chez 45% des chevaux d’étude déclarés en bonne santé et prêts à fournir des performances, des modifications des apophyses épineuses de degrés légers à élevés ont pu être constatées. Ces modifications limitent également la mobilité du dos. Des modifications arthrosiques des articulations vertébrales de degrés faibles à élevés ont été observées chez 52% des chevaux dans la partie inférieure de l’encolure et chez 38% à l’emplacement de la selle et dans la région des lombaires. Les échographies ont montré des modifications au moins légères au niveau de l’articulation sacro-iliaque chez 32% des chevaux. D’une manière générale, des modifications de degré élevé étaient plutôt rares.

Les résultats des procédés d’imagerie seront analysés de manière plus approfondie afin d’établir des liens avec les observations des contrôles orthopédiques et chiropratiques.

 

Des selles souvent mal adaptées

D’après les questionnaires que les participantes et les participants de l’étude ont rempli au préalable, près de la moitié des cavalières et des cavaliers ne faisaient pas contrôler régulièrement leur selle. 50% indiquaient que, selon leur propre estimation, leur selle était idéalement adaptée à leur cheval, tandis que 46% choisissaient la réponse «assez vrai» à la question s’ils pensaient que la forme de leur selle était idéale pour leur cheval. Le contrôle manuel des selles dans le cadre de l’étude a cependant démontré que seulement 10% des selles étaient parfaitement adaptées, bien qu’il faille tenir compte du fait que même de petites irrégularités ou de légères asymétries étaient prises en considération dans l’évaluation.

Comme le maître sellier Urban Truniger l’a expliqué lors du symposium, les variables influant l’ajustement et la pression de la selle sont très nombreuses et complexes. La construction de la selle en soi, le choix de l’arçon, le placement des contre-sanglons, le matériau de rembourrage des quartiers, le tapis de selle utilisé et même le niveau d’équitation du cavalier ne sont que quelques-uns des facteurs déterminant le bon ajustement de la selle. En effet, des mesures électroniques de la pression de la selle ont démontré que le schéma de pression pouvait être différent chez un même cheval et une même selle mais avec un cavalier différent. Un siège trop profond, des taquets trop grands et un siège trop étroit pour le cavalier sont des éléments qui ont également été mentionnés comme étant des facteurs négatifs en ce qui concerne les pressions de selle.

D’une manière générale, les experts conseillaient de faire contrôler la selle au moins une fois par année par un professionnel, encore plus souvent chez les chevaux en développement, c’est-à-dire en cas d’un entraînement soudainement plus ou moins intensif. Monsieur Truniger a de plus souligné que chez les chevaux souffrant de problèmes de dos, une collaboration étroite entre le sellier, le physiothérapeute, l’entraîneur et le vétérinaire était indispensable. Le Dr méd. vét. Selma Latif a également mentionné qu’une selle ne devait pas être adaptée à la mauvaise posture du cheval, mais qu’il fallait, si possible, d’abord modifier l’entraînement du cheval sans le poids du cavalier afin que le cheval puisse ensuite continuer de se mouvoir correctement sous la selle.

 

Des boiteries que rarement reconnues

Des études internationales ont démontré que les propriétaires et les entraîneurs de chevaux étaient souvent incapables de reconnaître des boiteries ou des irrégularités dans les allures de leurs chevaux. Lors du symposium, le Prof. Dr méd. vét. Michael Weishaupt a expliqué que l’étude sur le dos des équidés réalisée en Suisse a confirmé cette tendance: selon les observations vétérinaires, près de 50% des chevaux participant à l’étude présentaient de faibles boiteries lors de la présentation à la main, et ce alors que tous les chevaux avaient été déclarés comme étant en bonne santé et ne présentant pas de problèmes selon leur cavalière et cavalier.

Un échantillon composé de 69 chevaux a de plus été soumis à un examen de boiterie sur tapis roulant lors duquel les mouvements du cheval et la charge de chacun des membres ont été mesurés par voie électronique. Des boiteries légères resp. des asymétries du mouvement ont été observées chez près de 35% de ces chevaux, la différence de charge moyenne entre le membre gauche et le membre droit d’une paire de jambes comportant 3,65% de la masse corporelle; chez un cheval de 500 kg, cela représente environ 18 kg.

Dans quelle mesure ces asymétries des allures sont liées à la santé orthopédique du cheval resp. jusqu’à quel degré elles peuvent être considérées comme normales sera étudié lors d’analyses ultérieures.

Des exercices pour une meilleure assiette avec Susanne von Dietze. (Photo: A. Heimgartner) Des exercices pour une meilleure assiette avec Susanne von Dietze. (Photo: A. Heimgartner)

Le cavalier comme facteur d’influence

Lors de son exposé, la juge de dressage et kinésithérapeute Susanne von Dietze a illustré la complexité d’une bonne assiette de manière impressionnante. Comme chez le cheval, une tension corporelle positive combinée à une mobilité et une stabilité adaptées jouent un rôle primordial chez le cavalier.

Le Dr Christoph Bauer de l’institut de physiothérapie de la Haute école de sciences appliquées de Zurich (ZHAW) a repris cette thématique et a expliqué qu’il n’existait presque pas de données relatives aux exigences et aux paramètres de performances des cavalières et des cavaliers. Ainsi, l’étude sur le dos des chevaux de selle en Suisse fait office d’étude par observation dans ce domaine et donne un premier aperçu sur l’état des faits.

Dans le cadre de l’étude, toutes les participantes et tous les participants ont été soumis à un test d’environ une heure lors duquel la condition, l’équilibre, la souplesse, la force, la rapidité, la vitesse de réaction et la symétrie ont été analysés dans une série d’examens. Les données ont ensuite été comparées aux notes données par le juge de dressage lors du test d’équitation de l’étude, afin d’en tirer des conclusions sur la performance équestre. En somme, le résultat est le suivant: une bonne condition physique, de la force et une haute vitesse de réaction influent positivement la performance équestre, alors que les cavalières et les cavaliers présentant une bonne souplesse obtenaient en règle générale de moins bonnes notes lors du test d’équitation.

Ces résultats ne constituent cependant qu’un début, de plus amples analyses sont nécessaires afin d’appuyer ou de réfuter l’interprétation de ces données, afin de progresser dans le domaine de l’évaluation scientifique et dans la promotion des sports équestres.

 

Regard vers l’avenir

Le symposium PFERDE 2019 a surtout démontré la chose suivante: les premiers résultats de l’étude sur le dos des chevaux ne sont qu’un début. Une analyse approfondie des données et des travaux de recherche ultérieurs seront nécessaires afin de mieux comprendre et d’optimiser la santé et le bien-être des chevaux de selle et de faire progresser les cavalières et les cavaliers en tant que sportifs de manière efficace.

Cornelia Heimgartner

L’initiatrice et organisatrice du symposium, Corinne Hauser, et le président de l’association Pro Pferd, Lucas Anderes, ont apporté une contribution cruciale au succès de l’événement. (Photo: A. Heimgartner) L’initiatrice et organisatrice du symposium, Corinne Hauser, et le président de l’association Pro Pferd, Lucas Anderes, ont apporté une contribution cruciale au succès de l’événement. (Photo: A. Heimgartner)

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