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Dossier: Détention des chevaux, aménagement du territoire

Performance et niveau de stress chez les mulets durant un trek de cinq jours sur le Gothard

18 septembre 2017 13:21

Durant l’été 2016, des volontaires ont participé à l’émission de la SRF «Schweiz aktuell am Gotthard», dont le projet était de retracer l’histoire des différents modes de transports au
St-Gothard. Dans ce but, ils ont franchi le massif à plusieurs reprises, avec différents moyens de locomotion, et notamment avec des mules. Durant cinq jours, du 18 au 22 juillet 2016,
un groupe accompagné de trois mulets est parti d’Altdorf (UR) pour rejoindre Giornico (TI), parcourant une distance de 94,46 km avec 3364 m de dénivelé.

Les dernières études sur les performances muletières remontent aux années 1940. Elles étaient à l’époque basées sur la prise du pouls au départ et à l’arrivée. Des étudiantes en agronomie avec orientation en sciences équines à la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) ont profité des cinq jours de la traversée du Gothard pour prélever des données relatives à la performance des mulets, comme la fréquence cardiaque, le rythme respiratoire, la température corporelle ainsi que la concentration de cortisol dans les crottins, indicateur du niveau de stress.

Ces cinq jours au St-Gothard ont donc été mis à profit pour recueillir des données actuelles sur la performance des mules. Plusieurs paramètres ont été relevés pour évaluer le niveau de stress des animaux; la pulsation cardiaque, la fréquence respiratoire, la température corporelle ainsi que la concentration de cortisol dans les crottins.

Mulets et étapes du trek au St-Gothard

Trois mulets, Brenda (jument, 24 ans), Pasqua (jument, 12 ans) et Pesche (hongre, 19 ans) étaient à disposition pour le trek du St-Gothard. Les mulets étaient habitués à participer à des treks, et ils n’ont pas eu d’entraînement spécifique pour celui du St-Gothard. D’ailleurs, ce trek était pour eux le premier de la saison 2016.

Durant le trek, chaque mulet portait une charge de 80 kg. Lors des deux dernières étapes, Pesche a été monté par une cavalière de 53 kg, et tout autre paquetage lui a été retiré.

Le trajet total de la randonnée de cinq jours au St-Gothard était de 94,46 km, avec un dénivelé global de 3364 m, dont 1665 m de dénivelé positif et 1709 m de dénivelé négatif.

Recherche sur les exigences de performance

L’évaluation de la capacité de performance et du bien-être d’un animal peut se faire grâce à la mesure des paramètres vitaux (fréquence cardiaque, fréquence respiratoire et température corporelle). A l’aide de la mesure de la fréquence cardiaque, on peut déterminer l’intensité de l’effort corporel. Chez le cheval, il est connu que lors d’une performance d’endurance, la fréquence cardiaque s’élève à environ 150/min. C’est le cas, la plupart du temps, pour les chevaux d’endurance qui courent jusqu’à 160 km. En revanche, les chevaux de course travaillent à une intensité beaucoup plus élevée, et leur fréquence cardiaque peut monter jusqu’à 240/min. Bien évidemment, de telles performances ne sont possibles que sur une courte durée. Des recherches ont été faites sur les mulets, au cours desquelles la fréquence cardiaque était mesurée avant et après le travail. Il s’agissait d’un itinéraire similaire à celui effectué sur le Gothard, mais avec des dénivelés et un poids de bât plus importants (155 kg contre 80 kg). La moyenne de la fréquence cardiaque était de 42/min avant le départ et de 92/min à l’arrivée.

Durant le trek de cinq jours, les valeurs de récupération de la fréquence cardiaque des trois mulets étaient comprises entre 40 et 72 battements/min. Dans le sport d’endurance, où les chevaux parcourent des distances de 80 à 160 km, ces derniers sont soumis à des contrôles intermédiaires appelés vet-check, et ne peuvent continuer la course que lorsque leur fréquence cardiaque est redescendue en dessous de 65/min. Les jours 1, 4 et 5, la fréquence cardiaque des mulets est descendue en dessous de 65/min en moins de dix minutes. Durant les étapes 2 et 3, la fréquence cardiaque de récupération de Pesche a dépassé quatre fois les 64/min, et celle de Pasqua deux fois. La valeur maximale atteinte était de 72/min. Les étapes 2 et 3 comprenaient le dénivelé le plus important, avec des températures dépassant 20 °C. Pour l’interprétation des résultats, il faut tenir compte du fait que le moment de la prise de pouls (5 ou 10 minutes après l’arrêt) a une influence sur les valeurs mesurées. Or, pour ces données, le moment du relevé n’a pas pu respecter de protocole précis. D’une façon générale, les valeurs de récupération n’ont jamais été inquiétantes.

Cinq à dix minutes après l’arrêt, les fréquences respiratoires étaient comprises entre 12 et 52/min. La fréquence respiratoire la plus élevée a été mesurée le 2e jour chez Pesche, alors que la température extérieure était de 27 °C et que les mulets parcouraient le plus grand dénivelé. En moyenne, la fréquence respiratoire des trois mulets était au maximum de 37/min le 1er jour, 46/min le 2e jour, 34/min le 3e jour et 22/min le 5e jour. A titre de comparaison, chez les chevaux, la fréquence respiratoire peut atteindre 100/min pendant une épreuve.

La température corporelle maximale mesurée cinq à dix minutes après la fin de l’effort était de 38,9 °C, et a été relevée chez Pesche. Les trois mulets n’étaient donc à aucun moment en hyperthermie. Une relation significative entre la température corporelle et la température extérieure a été décelée.

Lors d’une sollicitation, la température corporelle augmente toutes les trois minutes de 1 °C, ce qui conduirait au bout de dix minutes à une température critique. Par critique, on entend une température corporelle supérieure à 41 °C. L’animal doit alors rapidement être rafraîchi avec de l’eau ou un ventilateur. Pour que le corps ne soit pas subitement surchauffé, les mécanismes de thermorégulation se mettent en marche. Chez le cheval/mulet, il s’agit surtout de la transpiration, qui induit une évaporation de la chaleur. Cependant, lorsque la température extérieure et le taux d’humidité de l’air sont élevés, le corps se réchauffe plus rapidement que lorsque ces paramètres extérieurs sont bas.

Le mulet Pesche a été monté durant les étapes 4 et 5. La fréquence cardiaque n’a à aucun moment dépassé 150/min. On peut ainsi déduire que le mulet Pesche a exclusivement travaillé à une intensité d’endurance. Aucune conclusion ne peut être tirée à propos de l’effort fourni sur les autres tronçons ou de la performance des autres mulets.

Etude du niveau de stress

Le stress est défini comme la réaction non spécifique à des stimuli externes (facteurs de stress). Ces stimuli peuvent être très divers et perçus comme positifs ou négatifs. Un effort physique provoque une réaction physiologique de «réponse au stress», mais des facteurs psychologiques peuvent induire la même réaction. Le stress est une réaction vitale pour la capacité d’adaptation d’un individu. Ce n’est que s’il perdure sur une longue durée qu’il peut provoquer des dégâts physiques et mentaux. Dans l’histoire de l’évolution du cheval, on sait que la réaction au stress est une question de survie en cas de fuite. Lors d’un entraînement physique, le corps est dans une situation de tension et de concentration très élevées, atteintes grâce à une augmentation des hormones adrénaline et noradrénaline. L’adrénaline est connue comme l’«hormone du stress». Une fois libérée dans le sang, elle a pour effet d’augmenter le rythme cardiaque, la pression artérielle ainsi que la bronchodilatation, et de permettre un meilleur approvisionnement en énergie par la dégradation des graisses. Elle active donc toutes les réactions corporelles nécessaires pour fournir une performance. C’est seulement après l’effort que le taux de cortisol augmente.

En analysant les métabolites glucocorticoïdes (MGC) présents dans le crottin, il est possible de tirer des conclusions sur le «niveau de stress» des dernières 24 heures, car ces métabolites sont excrétés par le cheval ou la mule dans un délai d’un jour.

La figure 4 montre l’évolution de MGC à l’écurie, avant et pendant le trek. Le prélèvement du 18.7 correspond aux évènements du jour précédent, c’est à dire au transport des mulets. Une forte réaction au stress est bien visible, en particulier chez Brenda, la mule la plus âgée, qui avait déjà une haute valeur basale à l’écurie. D’autres groupes de recherche ont constaté que les juments et les individus plus âgés ont tendanciellement une valeur basale en MGC plus haute que les individus mâles et plus jeunes. Il est possible que cette valeur élevée à l’écurie soit due à la température extérieure (35 °C) du jour ainsi qu’à la baisse d’efficacité de la thermorégulation chez les animaux âgés. Les valeurs observées pendant le trek sont restées dans un intervalle normal pour tout effort physique. Ce n’est qu’au dernier jour qu’on a constaté une augmentation chez les trois animaux, qui peut s’expliquer par l’effort cumulé sur cinq jours et 95 km. De plus, ces valeurs se rapportent aux événements de la veille, c’est-à-dire à la journée au dénivelé le plus important (1148 m), et principalement en descente. La descente sollicite d’autres groupes musculaires que la montée et peut donc aussi être source de stress. De plus, la température moyenne du jour précédent était de 15 °C plus basse que celle du jour le plus chaud. Chez Pesche, on remarque que la claire augmentation des MGC correspond au jour où il a été monté. Bien que la cavalière fût plus légère que son paquetage initial, sa présence a pu constituer un facteur de stress en tant que tel.

Conclusion

Depuis toujours, les mulets sont considérés comme des animaux de bât peu exigeants, sûrs et résistants sur des terrains difficilement praticables. Cette étude a permis de récolter des informations précieuses sur les paramètres vitaux et les efforts fournis par les mulets durant un trek de cinq jours au St-Gothard. Il a été démontré que les trois mulets sont arrivés au bout du trek sans encombre et cela, sans entraînement particulier.

Comme on peut le prévoir après plusieurs jours d’effort physique, le niveau de stress, mesuré grâce aux métabolites glucocorticoïdes dans les crottins, a augmenté chez tous les animaux vers la fin du trek. Si le trek avait duré plus longtemps, un jour de repos avec une activité réduite aurait éventuellement été nécessaire. Les expériences faites dans le cadre de ce travail de recherche représentent une précieuse base pour la réalisation d’études plus approfondies avec un plus grand nombre d’animaux et d’autres paramètres. Relever des paramètres actuels de performances pourrait se révéler fort utile pour l’élevage et la collecte de données génétiques sur les mulets, animaux étonnamment peu exigeants.

Article original avec des informations complémentaires:

https://www.agrarforschungschweiz.ch/aktuelles_heft_10fr.php?id_artikel=2316

Conny Herholz, Marie Pfammatter,
Sina Huwiler

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