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Wettstein Estelle, SUI, West Side Story, 165Olympic Games Tokyo 2021© Hippo Foto - Stefan Lafrentz25/07/2021
Dressage

Retour vers le futur: Les jeunes hommes du monde du Dressage

24 juin 2019 08:00

Autrefois, les seigneurs portant des chapeaux haut-de-forme et des vestons d’équitation sur mesure traversaient leurs terres en selle sur leur noble destrier. En temps de guerre, les soldats plaçaient leur confiance en leurs fidèles chevaux de cavalerie. En ce temps-là, le contact et le travail avec les chevaux ainsi que la formation de ceux-ci étaient des activités presque exclusivement masculines. Mais, avec le changement sociétal, les portes des écoles d’équitation furent ouvertes aux femmes et les chevaux conquirent immédiatement les coeurs des jeunes filles. Dans le monde du Dressage, la part des femmes est particulièrement élevée et la relève masculine presque inexistante. Malgré cela, deux grands espoirs du Dressage suisse sont des jeunes hommes: Carl-Lennard «Lenni» Korsch (19 ans) et Lars Bürgler (20 ans). Quelles sont leurs expériences de «marginaux» et sont-ils vraiment si différents des cavalières?

Lars Bürgler et Remember Passion lors d’une séance d’entraînement avec sa mère Marianne au manège de Holziken. Lars Bürgler et Remember Passion lors d’une séance d’entraînement avec sa mère Marianne au manège de Holziken. (Photo: A. Heimgartner)

Ils font partie du cadre des jeunes cavaliers et leur vie tourne entièrement autour du Dressage. Le «Bulletin» a demandé aux deux cavaliers Lenni et Lars, qui ont tous deux fait leur propre chemin jusqu’au haut niveau mondial du Dressage, comment ils se sont fait leur place dans cette discipline principalement dominée par des femmes et par quels moyens l’on pouvait éveiller l’intérêt des hommes pour le Dressage.

Comment avez-vous découvert l’équitation et le Dressage en particulier?

Lenni: Ma mère était cavalière et c’est ainsi que j’ai pris ma première leçon à la longe à l’âge de 4 ans. A 6 ans, on m’a offert mon premier poney, un poney de Saut - je voulais devenir cavalier de Saut à l’époque. Mais après un grave accident lors duquel je me suis blessé au foie et fracturé la pommette, je ne voulais plus sauter. Mes parents m’ont finalement trouvé un bon poney de Dressage en Allemagne, Dack von Wittgenstein. C’est avec ce poney encore très jeune que j’ai débuté en Dressage et obtenu la licence. Il a été mon partenaire des premiers programmes FB jusqu’au niveau poney FEI. Il est finalement devenu le «professeur» de Tallulah Lynn Nater, qui a également fait ses débuts en international sur son dos. Actuellement, il accompagne encore une génération qui se prépare au Dressage en compétition.

Lars: Ma mère est également une cavalière passionnée, et c’est ainsi que j’ai reçu mon premier poney pour mes 5 ans. Mais la petite «Josy» pouvait parfois s’emballer, surtout en Saut d’obstacles, et j’ai donc abandonné le Saut après une vilaine chute. Bien que ma mère douta que je puisse m’intéresser au Dressage en tant que garçon, elle m’a inscrit à un séminaire poney donné par Heidi Bemelmans en collaboration avec l’Académie de dressage Silvia Iklé. A la grande surprise de ma mère, Heidi Bemelmans m’invita à un autre entraînement avec une sélection d’autres cavaliers et cavalières poney et c’est avec mon poney Cristal Noir Primo que j’ai fait mon chemin du niveau FB jusqu’au Dressage international poney FEI.

Lenni Korsch et le cheval professeur Ayers Rock BB au Centre équestre Russmatt. Lenni Korsch et le cheval professeur Ayers Rock BB au Centre équestre Russmatt. (Photo: SVPS/C. Heimgartner)

Quelles ont été vos impressions et expériences en tant que garçon et jeune homme dans le monde du dressage dominé par des femmes?

Lenni: Toute personne ayant du talent, s’entraînant assidûment et ayant un peu de chance peut avoir du succès. Et toute personne ayant du succès est reconnue. Chez les juges, j’ai l’impression que les minorités - comme les garçons en Dressage - sont plutôt appréciées. Malheureusement, la discipline n’est pas assez connue et populaire chez les garçons. Ceux-ci jouent plutôt au foot parce que tout le monde y joue. Il faut vivre dans un certain environnement, respectivement grandir dans une famille de cavaliers, pour avoir l’idée de se mettre à l’équitation.

Lars: J’ai l’impression que l’acceptation du public n’est pas très grande pour les hommes cavaliers de Dressage. En particulier en tant que cavalier poney, il faut supporter certaines remarques des filles. Une volonté de fer est donc nécessaire pour continuer. Mais je préfère la beauté à la rapidité, c’est pourquoi je suis resté au Dressage. Ce serait peut-être plus facile s’il existait des cours réservés aux garçons dans les manèges. Ainsi, l’on serait moins exposé aux «clans de filles» et l’on se ferait moins embêter parce que l’on préfère monter plutôt que nettoyer son poney pendant des heures.
 

Comment combinez-vous sport de haut niveau et formation professionnelle?

Lenni: Je suis une formation d’employé de commerce à la United School of Sports de Zurich, dont la particularité est que l’on suit d’abord des cours pendant deux ans et que l’on effectue ensuite un stage de deux ans où l’on travaille la demi-journée. C’est ce que je fais actuellement au garage BMW Schläpfer à Wetzikon. Ma responsable de formation est également cavalière et mon chef est membre du club hippique de Grüningen, ils montrent donc beaucoup de compréhension pour ma situation et ont déjà accompagné d’autres cavaliers de relève au cours de leur formation professionnelle. J’entraîne mes chevaux à Deitingen lors de mes demi-journées libres. Heureusement, je peux aussi planifier mes journées de travail de telle manière à pouvoir parfois passer la nuit à Deitingen afin de ne pas devoir faire les allers-retours à chaque fois. Pour ce faire, je peux compter sur la flexibilité de mon employeur, mais aussi de mon entraîneuse, Susi Eggli. Mes chevaux et moi bénéficions de super infrastructures au centre équestre Russmatt et les gérants du centre, Christiane Schröder et Silvan Flury, apportent un grand soutien aux cavaliers de relève. L’aide de la famille Nater est également un énorme soutien pour moi: Susi, la famille Nater et moi-même formons une bonne équipe. Je suis très reconnaissant pour tout cela!

Lars: En tant qu’«apprenti-sportif» dessinateur avec orientation génie civil, j’ai droit à trois semaines de vacances supplémentaires que je peux utiliser pour mon sport. Etant donné que pendant la saison, je passe de nombreuses journées sur les places de concours à l’étranger, il n’est pas toujours facile de trouver un jour d’école fixe. En fait, il n’y a que le lundi où je peux aller en classe régulièrement. L’année passée, j’ai ainsi dû suivre les cours d’une classe qui se préparait à passer la maturité professionnelle. C’était un gros défi! Mais, comme je dois déjà être très concentré dans mon sport, je le suis aussi à l’école, où je m’investis à 110% car je ne peux pas consacrer encore beaucoup de temps aux études lorsque je suis à la maison. Je dois retenir tout ce que je dois savoir pour l’examen pendant les cours. Au travail chez Zumbach SA à Aarau, c’est la même chose. J’ai deux super chefs qui me soutiennent autant que possible. Cela me motive encore davantage pour tout donner au bureau et effectuer mon travail avec soin et ponctualité. En plus de l’école et du travail, j’ai encore deux chevaux à monter. Les chevaux se trouvent chez nous à la maison, ma mère et moi faisons donc tout nous-mêmes. C’est elle aussi qui m’entraîne la plupart du temps - pour cela, nous devons charger les chevaux et nous rendre au manège du club hippique. Après de nombreuses années d’entraînement aux écuries de Silvia Iklé, nous allons maintenant chez Christian Pläge une fois par semaine pour recevoir de nouvelles idées d’entraînement. Cela me fait progresser.

Si l’on veut poursuivre une carrière sportive en parallèle à la formation professionnelle, il faut aussi être prêt à renoncer à certaines choses. Je n’ai par exemple presque pas de temps pour voir des amis ou exercer un sport complémentaire.

Lenni Korsch et Flori Favoloso lors du CDIO Saumur 2019. Lenni Korsch et Flori Favoloso lors du CDIO Saumur 2019. (Photo: Les Garennes)

Vos cavaliers de Dressage favoris sont-ils des hommes? Quel cheval aimeriez-vous pouvoir monter une fois ?

Lenni: Mon cavalier favori et modèle est Patrick Kittel, car c’est un des meilleurs cavaliers de la discipline. J’aimerais beaucoup m’entraîner avec lui une fois. De plus, il monte un cheval suisse! Un cheval que j’aimerais bien pouvoir monter une fois est Cosmo de Sönke Rothenberger. Lors d’un concours, notre camion était parqué à côté de celui des Rothenberger, j’ai alors vu Cosmo de près. Mais tous les chevaux que je monte aujourd’hui sont également fantastiques! Mon cheval Dias Desperados, surnommé «Drogba» comme le footballeur parce qu’il tape toujours contre la porte du box, est mon fidèle compagnon. Et je ne peux pas assez remercier les propriétaires de mes chevaux Beatrice Bürchler (cheval: Ayers Rock BB) et Oscar Schwenk resp. sa fille Barbara (cheval: Flori Favoloso) pour leur confiance!

Lars: Pour moi, il existe deux catégories de cavaliers: ceux qui ont formé leurs chevaux eux-mêmes et ceux qui présentent des chevaux déjà formés. Sans vouloir juger - il s’agit tout simplement de deux voies différentes - ce sont les cavaliers de la première catégorie qui me fascinent plus. C’est pourquoi Carl Hester est un grand modèle pour moi. Il a formé tant de chevaux, de la base au haut niveau mondial. J’ai moi aussi fait de mon cheval «Remmy» (n.d.l.r.: le meilleur cheval de Lars, Remember Passion) ce qu’il est aujourd’hui. Lorsque je suis passé des poneys aux chevaux, nous n’avions pas l’argent pour acheter un cheval déjà entièrement formé. J’avais 13 ans lorsque j’ai monté Remmy, alors âgé de 6 ans, pour la première fois. Personne ne pensait que cela allait donner quelque chose parce qu’il était si sensible. Je devais donc toujours bien réfléchir comment je pouvais lui apprendre quelque chose, car il ne supporte que peu de pression. Il est néanmoins le meilleur cheval que je puisse imaginer et je ne rêve pas de monter un autre cheval. Depuis peu, le demi-frère de 7 ans de Remmy, First Passion, appelé «Feivel», se trouve également dans nos écuries. Je me réjouis de commencer sa formation avec le soutien de Christian Pläge.

Lars Bürgler avec Remember Passion en mai 2019 au CDIO Saumur (FRA). Lars Bürgler avec Remember Passion en mai 2019 au CDIO Saumur (FRA). (Photo: Les Garennes)

Qu’attendez-vous de la FFSE? Quels sont vos souhaits?

Lenni: D’une manière générale, je suis très satisfait avec le travail de la FSSE. On nous laisse beaucoup de libertés et l’on nous soutient par exemple pour la participation à des compétitions internationales. Je souhaite remercier spécialement notre responsable du cadre Heidi Bemelmans: elle fait un travail fantastique! Avec l’UBS, la Fédération a de plus trouvé un mécène qui nous ouvre beaucoup de possibilités. J’ai par exemple beaucoup apprécié les cours avec des entraîneurs ou des juges étrangers et ce serait chouette de poursuivre cela. Qui sait, peut-être que l’on pourrait organiser un entraînement avec mon modèle Patrick Kittel …?!

Lars: Mon contact avec la Fédération passe surtout par notre responsable du cadre Heidi Bemelmans. Elle est toujours là pour tout le monde et fournit un énorme travail! On ne peut pas la remercier suffisamment pour cela! Je trouve dommage que la Fédération n’ait pas envoyé de cavaliers suisses au Championnat d’Europe dans ma catégorie l’année passée car nos chances d’obtenir un bon résultat étaient trop faibles. Nous jeunes cavaliers en particulier renonçons à tant de choses et nous engageons tellement pour l’équitation et la formation professionnelle afin de rendre tout cela possible - c’est donc un peu décevant de ne pas avoir la possibilité de se mesurer aux meilleurs. Car ce n’est pas que la victoire qui compte, mais aussi le fait d’accumuler de l’expérience pour plus tard, de découvrir des déroulements et d’observer des cavaliers d’élite en coulisses.
 

Voyez-vous votre avenir professionnel dans les sports équestres?

Lenni: Je vais tout d’abord terminer ma formation et effectuer mon service militaire ensuite. J’espère être pris à l’école de recrues des sportifs! Pour cela, il me faut une évaluation de potentiel spéciale de la FSSE. Je dois d’ailleurs m’en occuper prochainement. Ensuite, j’aimerais bien travailler à l’étranger chez un cavalier international, mais je n’ai pas encore de plans concrets quant à cela.

Lars: En ce moment, je me concentre surtout sur la fin de ma formation professionnelle. Avant mon apprentissage, j’ai effectué un stage de trois mois chez Silvia Iklé et, bien que j’aie beaucoup aimé cette période, je ne sais pas si je vais me consacrer entièrement à l’équitation, ce qui est aussi dû à ma taille. En effet, du haut de mon 1,96 mètre, l’usure n’est pas négligeable et mon dos et mes genoux souffrent. De plus, je me demande parfois si nous allons pouvoir monter à cheval encore longtemps, la pression du public et des défenseurs des animaux étant très grande, bien que les jugements ne reposent pas toujours sur l’avis d’experts. Mais les chevaux et leur formation sont ma passion que je vais certainement toujours poursuivre comme hobby.

Merci beaucoup à Lars et Lenni pour cette discussion passionnante et tout de bon pour la suite!

Cornelia Heimgartner

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