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Sanctions records: des jalons importants sur la scène mondiale d’Endurance

14 juillet 2020 08:00

Les connaisseurs et passionnés d’Endurance qui suivent cette discipline FEI depuis longtemps reconnaissent également les noms de ces chevaux: Castlebar Nato, Ajayeb, Django et Eclipse, pour n’en nommer que quelques-uns. Un autre cheval tristement célèbre comme ceux mentionnés ci-dessus fut Castlebar Contraband. Fut, car il trouva la mort lors d’une épreuve d’Endurance à Fontainebleau en 2016. Début juin, la FEI avait déjà rendu un jugement inédit quant à cette affaire. A présent, le Tribunal arbitral du sport fait coup double en se montrant plus sévère que jamais dans un autre cas. Ces sentences constituent des jalons importants dans l’histoire de la discipline.

Lors de courses d’Endurance, des contrôles vétérinaires ont lieu avant, pendant et après chaque épreuve  © màd Lors de courses d’Endurance, des contrôles vétérinaires ont lieu avant, pendant et après chaque épreuve © màd

Le résumé des faits publié dans le communiqué de presse de la FEI quant à son jugement inédit dans le cas Castlebar Contraband est digne d’un roman policier: le cheval Castlebar Contraband ne termina pas le CEI* de Fontainebleau 2016, course qu’il paya de sa vie. Le hongre gris subit une fracture ouverte du canon lors de la compétition et dut être euthanasié. Des prélèvements sanguins effectués après la mort de l’animal ont ensuite révélé la présence de xylazine dans l’organisme de celui-ci. Il s’agit là d’une substance anesthésique, analgésique et relaxante agissant sur la musculature et éliminée rapidement par le corps. Classifiée dans la catégorie des substances interdites de la FEI, la xylazine est cependant utilisée de manière illicite en Endurance pour abaisser la fréquence cardiaque des chevaux.

Le directeur vétérinaire de la FEI, Göran Åkerström, a expliqué lors de l’audience comment ce genre de fracture se produit. Les nerfs des jambes sont rendus insensibles à l’aide de substances sédatives. La sensibilité, qui a normalement pour fonction fondamentale de protéger le corps, est ainsi désactivée. Les chevaux ne ressentent alors plus de douleurs ou autres symptômes d’épuisement, ce qui signifie qu’ils poursuivent leur course jusqu’à ce leurs structures corporelles ne soient plus capables de remplir leurs fonctions et cèdent. Ainsi, une fois qu’ils ne peuvent plus résister à la surcharge, les os se brisent. Le risque de blessures mortelles augmente donc considérablement avec ce genre de pratiques.

 

Des preuves solides

Toujours selon le communiqué de presse de la FEI, diverses lésions indiquant la réalisation d’injections ont pu être découvertes lors de l’autopsie de Castlebar Contraband, ce qui prouve que l’animal a été désensibilisé à plusieurs reprises, autant pendant l’entraînement que la compétition. Cette pratique, combinée à l’arthrose déjà présente dans l’articulation du boulet, a alors conduit aux fractures de stress signant l’arrêt de mort de l’animal. Comme le souligne le directeur vétérinaire de la FEI dans le communiqué de presse, on a longtemps supposé que de tels traitements étaient effectués à répétition, mais que l’absence de preuves solides avait rendu toute condamnation impossible jusque-là. En conséquence, les autopsies seront dorénavant effectuées de manière plus rigoureuse du point de vue de la médecine légale.

Le Tribunal FEI a ainsi suspendu le sheikh Abdul Aziz Bin Faisal Al Qasimi pour maltraitance animale et violation des règles de médication pour une durée totale de vingt ans - donc jusqu’au 27 mai 2040. Il écope de plus d’une amende de 17 500 francs suisses et doit payer 15 000 francs de frais de procédure.

Pferd und Reiterin in Harmonie an einem Endurance-Rennen
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<br />Cheval et cavalière en parfaite harmonie lors d’une course d’Endurance Cheval et cavalière en parfaite harmonie lors d’une course d’Endurance © màd

Rétrospective: comme tout à commencé

Début 2013, les cavalières et cavaliers du cadre suisse ainsi que le directoire de l’époque s’unirent pour demander à la Fédération Suisse des Sports Equestres FSSE de s’investir pour que l’Endurance soit pratiquée de manière éthiquement correcte, donc dans le respect du bien-être des chevaux, et ce dans le monde entier. C’est ainsi que naquit le mouvement «Clean Endurance», dont le but est d’attirer l’attention sur les abus et les violations de règlements au sein de cette discipline. Bien que le bien-être du cheval soit l’objet principal du mouvement, celui-ci s’engage également pour le fair-play vis-à-vis des concurrents.

Avant la demande d’intervention de la scène d’Endurance suisse, de plus en plus d’abus et de problèmes étaient apparus au sein de la discipline: des chevaux morts qui disparaissaient pendant ou après une course, beaucoup de contrôles positifs au dopage, des cadences toujours plus élevées, des tricheries … A plusieurs reprises, la FSSE avait rendu la Fédération Equestre Internationale FEI attentive à ces graves problèmes par l’intermédiaire de lettres et de communiqués de presse.

 

Bundy - des images qui ont fait le tour du monde

L’affaire se remit en branle fin janvier 2015 lors de la célèbre «Presidents Cup». Comme la course était retransmise en direct sur internet, deux images ont pu être sauvegardées. Sur la première, on peut voir un cheval bai foncé trébucher dans le désert. Sur la deuxième, le cavalier se tient à côté de sa monture agenouillée sur ses antérieurs fracturés. C’était Bundy. Son histoire a fait le tour du monde, et les yeux du grand public étaient enfin rivés sur l’Endurance équestre.

Ce sont probablement aussi les critiques massives sur les réseaux sociaux qui ont finalement mis la pression à la FEI. Celle-ci finit par réagir le 26 février 2015 et interrompit la saison d’Endurance en cours aux Emirats arabes unis (EAU). Les deux dernières épreuves prévues sous l’égide de la FEI furent annulées. Peu après, le 6 mars, on apprit que certaines courses planifiées pour cette saison n’avaient en fait jamais eu lieu; le nombre supposé de telles courses factices passa de deux, début mars, à au moins douze au cours de l’année, ce qui signifie que bon nombre de chevaux n’avaient jamais effectué les épreuves qualificatives nécessaires pour participer à des courses FEI! Ce fut probablement la goutte d’eau qui fit déborder le vase: la FEI suspendit la Fédération équestre des Emirats arabes unis le 12 mars 2015, suspension levée le 27 juillet après que les EAU présentèrent un long catalogue de mesures à la FEI.

Depuis, un nombre considérable de bénévoles s’engage avec «Clean Endurance» pour un sport fair-play et respectueux des chevaux par la récolte de données, la vérification des résultats et le contrôle d’enregistrements vidéo, le tout en restant en contact étroit avec la FEI ainsi que les fédérations nationales et les associations de cavaliers d’Endurance. Grâce au travail et à la coopération de «Clean Endurance», plusieurs cas ont déjà pu être élucidés et des coupables condamnés et punis en conséquence.

 

Premier jugement de la part du CAS

Un exemple supplémentaire qui prouve que «Clean Endurance», la FEI, les fédérations nationales ainsi que les cavalières et les cavaliers de la discipline qui se battent pour un sport plus propre et correct sont sur la bonne voie est le verdict prononcé par le Tribunal arbitral du sport CAS à la fin juin. Celui-ci confirma un jugement de la FEI contre lequel le cavalier concerné et reconnu coupable, Abdul Rahman Saeed Saleh Al Ghailani, avait fait appel. Lui et ses grooms avaient malmené et donné des coups de pieds au cheval épuisé Sarab (Radja d’Altus) lors d’une course de 160 km à Abou Dabi. La FEI avait sanctionné le cavalier il y a un an pour maltraitance de l’animal avec une suspension de douze mois et une amende - jugement que le Tribunal arbitral du sport a à présent confirmé avec une légère adaptation, soit une suspension de huit mois, augmentée d’une amende supplémentaire de 3000 francs suisses.

Nicole Basieux

Suzanne Dollinger

ancienne cheffe du sport au sein du directoire Endurance de la FSSE

Je salue le fait que la FEI intervienne enfin. Il est cependant dommage qu’elle n’ait agit que maintenant, après avoir mis en place d’innombrables modifications de règlement, d’ailleurs souvent inutiles, aux dépends des cavaliers ‹justes›, au lieu de neutraliser dès le début les malfaiteurs connus de tous au fil des ans.

Sandra Padrutt

cavalière du cadre

J’ai suivi l’affaire et la sanction m’a surprise, étant donné que la FEI se montrait bien plus ‹généreuse› d’habitude dans ce genre de cas, du moins jusque-là. Voilà enfin un pas dans la bonne direction. Il reste à voir si de telles interventions et jugements deviennent la norme dès maintenant. Malheureusement, le cavalier en question va certainement continuer à prendre part à des épreuves nationales à Dubaï, les chevaux n’y ont donc pas gagné grand-chose. A mon avis, il serait important pour l’avenir que les sanctions soient adaptées de manière à dissuader tout abus. La suspension du cavalier seul importe peu; les propriétaires, les entraîneurs et les écuries devraient être pris en compte dans les sentences, et celles-ci doivent être dures.

Karin Kollmer

cheffe de la discipline Endurance de la FSSE

Ce verdict est une prise de position de la FEI absolument correcte et importante pour notre discipline. Mais cela fait des années que la FEI aurait dû réagir. Rien ne va empêcher ces jockeys sans scrupules d’abuser des chevaux dans le but d’obtenir la gloire et les honneurs du sheikh Mohammed. Le sheikh condamné Abdul Aziz Bin Faisal Al Qasimi va probablement payer son amende sans sourciller et il est fort probable qu’il va simplement passer aux courses nationales, où les officiels et vétérinaires achetés ferment souvent les yeux sur les abus. La saison passée déjà, la plupart de ces ‹courses de désert› du groupe VII n’ont pas été organisées sous l’égide de la FEI mais sous les règlements nationaux, ce qui peut aussi être vu comme une prise de position face à cette dernière: est-ce un premier pas vers une scission planifiée?

Gaby von Felten Ginesta

cheffe du sport au sein du directoire Endurance de la FSSE

Il s’agit là d’une sanction sévère et tardive qui va peut-être empêcher quelques personnes de commettre des abus. Il est cependant incertain si le groupe VII va se laisser intimider par ce jugement. Le respect de l’animal est une chose que l’on a ou que l’on n’a pas.

Charles Trolliet

président de la FSSE

Le jugement rendu par le Tribunal de la FEI est le résultat d’une longue procédure puisque les faits remontent à près de quatre ans. Il faut saluer l’opiniâtreté de toutes les personnes qui ont eu à traiter ce dossier afin de faire éclater la vérité. Même si on peut regretter qu’il n’ait pas été possible, pour des raisons juridiques, de sanctionner toutes les personnes à l’origine de ces tragiques événements, cette condamnation, de même que celle qui vient d’être récemment confirmée par le Tribunal arbitral du sport, démontre que la FEI, et à travers elle le monde équestre dans son ensemble, n’est plus d’accord de fermer les yeux sur des actes de maltraitance inqualifiables comme ceux constatés à Fontainebleau en 2016.

Plus d’informations et d’actualités à ce sujet sur:
www.facebook.com/cleanendurance

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