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Dossier: Interviews

« J’aimerais encourager les gens à réaliser leurs rêves »

03 novembre 2023 09:40

Damian Müller n’est pas un président qui reste les bras croisés. Quand il s’agit de positionner, de faire avancer et de moderniser la fédération faîtière, il ne recule ni devant les efforts, ni devant les conflits. Dans son interview avec Swiss Equestrian, il nous confie ce qui le motive et comment il voit l’avenir des sports équestres.

Damian Müller aime passer son temps libre auprès des chevaux. | © Manuela Jans Damian Müller aime passer son temps libre auprès des chevaux. | © Manuela Jans

Damian Müller, tu es maintenant président de la fédération faîtière des sports équestres depuis deux ans. Jetons un regard en arrière...

A l’époque où je suis devenu président, il y a deux ans, je connaissais déjà bien la fédération et ses structures dans la mesure où j’avais déjà été vice-président. Mais, en tant que président, on y regarde encore de plus près. Force m’a été de constater qu’une nouvelle orientation et qu’un nouveau positionnement étaient nécessaires afin de venir à bout des futurs défis auxquels la fédération et les sports équestres allaient devoir faire face. J’étais conscient du fait que seules des structures solides, mais également souples permettraient de travailler de manière efficace et orientée sur les solutions. C’est pourquoi, en concertation avec tous les membres du comité, je me suis attaqué à l’ensemble du processus stratégique.

Et quand j’entreprends quelque chose, j’aime regarder vers l’avant. Nous sommes actuellement en pleine phase de mise en œuvre stratégique. Ici, il ne suffit pas d’avoir de bonnes idées : il faut également joindre les actes à la parole. Car en fin de compte, c’est sur ces derniers que nous, en tant que fédération, et moi, en tant que président, seront jugés.

En outre, la réussite passe inévitablement par une équipe engagée où chacun tire sur la même corde. Cette équipe est composée du comité, de la direction ainsi que de toutes les collaboratrices et de tous les collaborateurs du secrétariat. Nous ne pouvons nous attaquer aux projets qui découlent de notre stratégie que grâce au soutien de personnes capables de motiver et d’entraîner les autres avec leur énergie positive. Mais nous avons également besoin d’instruments de gestion qui servent à déterminer quels objectifs concrets peuvent être atteints avec quelles mesures et qui nous permettent de mesurer les progrès.

 

Tout cela ne va-t-il pas beaucoup trop vite ?

Le monde autour de nous évolue rapidement et les sports équestres ont connu de grands bouleversements ces dernières années. En tant que fédération faîtière, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et attendre, sinon, nous allons rater le coche. Nous sommes actuellement à bord du train express et devons donc naturellement faire face à des vents contraires. Je n’ai pas peur des discussions critiques et prends toutes les réactions au sérieux. Tout ce processus n’est pas toujours une partie de plaisir et surtout, il engendre un travail énorme. Mais si nous souhaitons assurer l’avenir de la fédération et des sports équestres, nous n’avons pas d’autre choix. Le fait que cela implique quelques changements au niveau du personnel est inévitable. Nous avons créé de nouveaux postes au sein du secrétariat et affûté les profils de certaines fonctions existantes. Certes, ce processus n’est pas encore terminé, mais je sens qu’il bénéficie d’un soutien considérable. 

En bref, nous sommes sur la bonne voie. Aujourd’hui, je suis entouré, au sein de la fédération, de personnes qui dépensent beaucoup d’énergie positive pour, ensemble, en tant qu’équipe, faire avancer les sports équestres. Car, en fin de compte, tout ce que nous faisons, nous le faisons pour les sports équestres.

Le regard tourné vers l ’avenir : Damian Müller lors de l ’assemblée générale de Swiss Equestrian en octobre 2023 | © Swiss Equestrian Le regard tourné vers l ’avenir : Damian Müller lors de l ’assemblée générale de Swiss Equestrian en octobre 2023 | © Swiss Equestrian

Désormais, la fédération faîtière a un nouveau nom et un nouveau logo. N’est-ce pas simplement du marketing et de la poudre aux yeux ?

Le nouveau branding permet de rendre la mise en œuvre stratégique également visible. Quiconque côtoie les chevaux a tout intérêt à ce que nous travaillions de manière unie. Nous devons mettre l’accent sur nos points communs et aller ensemble dans la même direction. Naturellement, chaque discipline, chaque métier du cheval a ses particularités. Ce qui nous unit, c’est notre passion pour les chevaux. Voilà ce que nous défendons en tant que centre de compétences et ce qu’exprime notre slogan « One Team. All Together. ». Avec notre multilinguisme et nos différentes mentalités, nous bénéficions, en Suisse, d’une diversité unique en son genre.

Cela se reflète également dans notre fédération. Ces particularités sont une bonne chose et sont importantes, mais elles ne doivent pas non plus nous amener à nous disperser. Tout le monde doit faire partie du grand tout et celui-ci ne peut devenir réellement visible que s’il forme une véritable unité. Et ce sont cette unité et cette visibilité qui se reflètent dans le nom « Swiss Equestrian » – un nom choisi à l’instar de l’organisation faîtière du sport suisse, Swiss Olympic, ou encore de nombreuses autres fédérations sportives suisses telles que Swiss Tennis ou Swiss Ice Hockey.

Naturellement, la croix suisse ne saurait manquer car elle représente les valeurs que nous défendons et que nous véhiculons vers l’extérieur. Le côté dynamique, moderne et sportif de la tête de cheval et de son coup de pinceau, quant à lui, s’applique parfaitement à notre fédération.

En outre, le cheval du logo pointe ses oreilles vers la droite, et donc vers l’avenir. Swiss Equestrian est à l’écoute des préoccupations de la communauté équine et assure l’avenir des sports équestres, qu’il s’agisse du sport de masse ou du sport de performance. Enfin, nous souhaitons également attirer de nouveaux passionnés et enthousiasmer les enfants afin qu’ils trouvent le chemin qui les conduira vers le cheval. Le contact avec le cheval est quelque chose de très particulier. Dans notre monde individualisé, le partenaire équin est idéal pour enseigner aux enfants les compétences sociales et le sens des responsabilités. 

 

Quel rôle jouent les associations régionales dans ce centre de compétences ? Sont-elles condamnées à disparaître ?

Non, bien au contraire ! Les associations régionales jouent un rôle charnière très important entre la fédération faîtière et les clubs d’équitation. Elles veillent à ce que les préoccupations des clubs soient entendues par la fédération et travaillent en étroite collaboration avec les personnes qui se trouvent sur place. Ce faisant, elles s’attachent à respecter les lignes directrices de la fédération faîtière. Nous pouvons ainsi agir main dans la main et nous assurer que le bien-être des animaux et des personnes est garanti à tout moment.

Je suis bien conscient du fait que les associations régionales sont confrontées à l’évolution des conditions-cadres de notre société. Elles doivent se poser la question : « A quoi ressemblera la vie associative d’après-demain ? » Au sein de la fédération faîtière, nous avons fait nos devoirs en lançant le processus stratégique. Maintenant, je suis convaincu que chaque association et que chaque club seraient bien avisés de procéder à une telle analyse et d’orienter leur propre stratégie en conséquence. Je suis profondément impressionné par l’engagement des associations régionales. Je considère également que la fédération faîtière a pour tâche d’accompagner les associations régionales et les clubs d’équitation. Nous souhaitons leur donner les instruments qui leur permettront de travailler de manière efficace et ciblée. Je pense ici, par exemple, à la formation « Club Management » que nous proposons en collaboration avec Swiss Olympic.

Dans le cadre de Swiss Equestrian Talents, nous travaillons également en étroite collaboration avec les associations régionales, ces dernières jouant un rôle-clé dans la promotion de la relève. Il faut savoir qu’en tant que fédération faîtière, nous sommes dépendants des associations régionales dans la mesure où ce sont elles qui découvrent les jeunes talents dans leur rayon d’action et les accompagnent de manière ciblée afin que ceux-ci puissent finalement intégrer notre programme de promotion.

 

Le processus stratégique est donc jusqu’à présent un succès pour la fédération faîtière ?

Oui, la stratégie est prometteuse et définit des lignes directrices solides. Maintenant, il faut passer à la mise en œuvre ciblée et ici, nous devons prouver que la théorie a plus de valeur que le papier sur lequel elle est écrite. C’est là que nous serons jugés.

La direction doit désormais décliner les objectifs globaux de la fédération faîtière et définir des mesures concrètes qui permettront de les atteindre dans les domaines du sport de performance, du sport de masse, de l’éthique et des prestations de services. Les tâches et les projets doivent être priorisés afin d’atteindre les objectifs stratégiques de manière ciblée. Du côté du comité, nous contrôlons la direction et sa mise en œuvre de nos lignes directrices.

 

Tout le monde parle aujourd’hui d’éthique. Qu’est-ce qui se cache vraiment derrière ces belles paroles ?

L’éthique est un plier important de Swiss Equestrian. Elle fait partie par exemple de la formation des cavaliers et des officiels. Nous avons déjà une formation de base solide et largement soutenue que nous allons, à l’avenir, continuer de développer et d’optimiser. La formation des professionnels du cheval doit également avoir des points de contact avec nous afin que nous poursuivions tous les mêmes objectifs. L’éthique est aussi synonyme de respect envers notre partenaire équin, un respect que nous devons nous attacher à entretenir de la base, c’est-à-dire du premier contact avec le ­cheval, jusqu’à la pratique des sports de performance. C’est pourquoi l’éthique sera également un élément important de notre programme de promotion de la relève, Swiss Equestrian Talents. Nous voulons non seulement des cavaliers performants, mais également des hommes et femmes de chevaux qui puissent jouer le rôle d’ambassadeurs et d’ambassadrices pour le cheval et les sports équestres.

En Suisse, nous disposons de l’une des lois sur la protection des animaux les plus strictes du monde. Quiconque ne la respecte pas franchit une ligne rouge à partir de laquelle aucun écart n’est toléré. Et ceux ou celles chez qui cette sensibilité fait défaut manquent vraisemblablement de respect pour l’être vivant. Les chevaux nous donnent tellement, ils font des efforts considérables et font preuve d’une volonté quasiment sans limite pour nous plaire. Nous devrions l’accepter avec humilité et être conscients de notre responsabilité.

Cela fait maintenant deux ans que Damian Müller est président de l’association faîtière des sports équestres suisses et il a fait bouger les choses pendant cette période. | © Johanna Unternährer Cela fait maintenant deux ans que Damian Müller est président de l’association faîtière des sports équestres suisses et il a fait bouger les choses pendant cette période. | © Johanna Unternährer

Tout cela sonne plutôt bien. Mais qui se charge du contrôle ?

Nos officiels jouent ici un rôle particulièrement important et veillent au respect des règlements sur les terrains de concours. Je rappelle que les règlements sont élaborés par les associations régionales et les organes spécialisés, lesquels sont ainsi également responsables. Les règlements de l’année à venir sont publiés en automne. Tout le monde a donc suffisamment de temps pour les consulter – les athlètes comme les officiels. Nous voulons que nos comités soient composés d’acteurs actifs et d’officiels ouverts et compétents. Nous allons en outre investir davantage et de manière ciblée dans la formation continue des officiels. En tant qu’officiel, il faut savoir être présent et faire régner l’ordre là où c’est nécessaire. Cela fait partie du boulot. Ce n’est pas toujours agréable, j’en suis conscient. Mais nous avons besoin de ces officiels courageux car ils remplissent une fonction importante et pleine de responsabilité. Nous souhaitons d’ailleurs les soutenir. En effet, dans un sport équestre tourné vers l’avenir, nous ne pouvons accepter des athlètes qui ne respectent pas les règles. Cela vaut d’ailleurs également pour les organisateurs. Car en fin de compte, nous avons tous le devoir de sensibiliser notre environnement aux questions d’éthique.

 

Que peuvent améliorer les organisateurs ?

La grande majorité des organisateurs font un excellent travail et je souhaite leur exprimer tout mon respect. Malheureusement, il y a aussi, comme partout, des brebis galeuses qui se moquent des règles. C’est là que nous devons regarder de plus près. 

A l’avenir, les organisateurs devront accorder beaucoup plus d’importance à la communication et au marketing afin de permettre à des personnes extérieures à notre milieu d’entrer en contact avec nous et les chevaux. Les organisateurs doivent donc faire preuve d’encore plus de créativité et peut-être même tenter une approche pluridisciplinaire afin d’utiliser efficacement une infrastructure existante et de réunir les passionnés de sport de différentes disciplines sur le même terrain. Un concours ne doit pas être uniquement une compétition sportive, mais également une fête pour toute la région. Ici aussi, nous devons tous tirer sur la même corde et construire des passerelles plutôt que de mener des guerres de tranchées. Les concours doivent être conçus de manière plus souple et plus innovante. La grande marge de manœuvre que nous offrons est trop rarement exploitée.

 

Et quelle est la prochaine marge de manœuvre que tu souhaites exploiter au sein de la fédération ?

Il y a de nombreux projets que j’aimerais encore réaliser. Mais mon objectif principal est de renforcer la fédération faîtière. Je pense qu’il est important que ce soit nous qui concevions le changement – et non pas le changement qui nous conçoive. 

Il me tient à cœur d’enthousiasmer davantage de personnes pour les chevaux, mais également de veiller à une bonne pratique des sports équestres du point de vue de l’éthique. Le monde des sports équestres est un monde bien différent de celui dans lequel j’évolue habituellement. J’aime le travail d’équipe et je souhaite apporter mes idées et mon expérience afin de faire avancer les choses de manière positive. Swiss Equestrian est aujourd’hui une entreprise de taille moyenne. Ici, avec le comité, je peux faire bouger les choses de manière ciblée, mais également enthousiasmer et responsabiliser les collaborateurs. Il ne se passe pas un jour sans que je n’apprenne quelque chose de nouveau. Et voilà également ce que je souhaite transmettre.

 

Les mauvaises langues prétendent que tu occupes le poste de président de Swiss Equestrian uniquement parce que tu souhaites devenir conseiller fédéral...

Mon travail politique et ma passion pour les chevaux sont deux choses totalement différentes. Si je ne visais que ma carrière, j’aurais certainement choisi un autre sport que l’équitation. Car aucun autre sport ne nous expose aussi rapidement à la critique. Le partenaire équin rend notre sport unique, mais également vulnérable.

Ce qui me motive, c’est le désir de professionnaliser et de développer notre fédération, et ainsi de susciter encore plus d’engouement pour le cheval. Je veux toujours savoir ce qui se passe vraiment et je n’ai pas peur des défis. Mais ce qui m’agace, ce sont les gens qui diffusent une énergie négative et cherchent à freiner les autres. Quiconque décide de s’engager s’expose à des risques, j’en suis bien conscient. Mais il faut parfois sortir de sa zone de confort si l’on veut atteindre de nouveaux objectifs. Ceux qui critiquent n’ont jamais lancé de projets innovants. 
Je souhaite non pas ériger un monument à ma gloire, mais encourager les gens à réaliser leurs rêves. Et j’entends par là les athlètes, les propriétaires de chevaux, les grooms et les enfants. Conformément à notre devise « One Team. All Together. ». Chez Swiss Equestrian, tout le monde doit avoir la possibilité de s’engager pour le partenaire équin et la fédération. C’est pourquoi nous établissons des profils et des catalogues d’exigences présentant les attentes réciproques de manière claire. Nous souhaitons parler les uns avec les autres plutôt que les uns des autres, c’est plus productif. Cela nous permet de poser des bases solides pour l’avenir. Naturellement, tout n’est pas parfait, mais nous sommes motivés et prêts à nous atteler à la tâche. Maintenant, nous concrétisons nos visions et je suis sûr que notre travail finira par convaincre quelques personnes encore sceptiques.

Propos recueillis par
Cornelia Heimgartner

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