La Protection Suisse des Animaux (PSA) suit les sports équestres avec attention et a déjà formulé à plusieurs reprises des critiques sévères à travers ses rapports de compétition basés sur les observations de protecteurs des animaux sur les places d’échauffement. Mais il existe aussi des exemples positifs, et c’est sur ce sujet que se basait l’atelier «Le sport dans le respect du cheval» organisé par la PSA le 15 novembre à Matzendorf.

La jument athlétique à la robe noire effectue ses tours de piste avec concentration. Elle s’ébroue de manière satisfaite sous les encouragements de sa cavalière qui la récompense d’une tape amicale sur l’encolure. C’est un véritable plaisir d’observer la cavalière du cadre suisse Elite Birgit Wientzek Pläge et Dolce Vita, jument de 9 ans, à l’échauffement. Il va sans dire qu’à la fin de la phase de détente, la jument accomplit déjà une performance sportive d’un niveau élevé, mais il est aussi clair qu’elle le fait avec une motivation et un enthousiasme apparents.

Grâce au commentaire du Dr Barbara Gorsler, juge de dressage de catégorie S, même les spectateurs non experts comprennent quelle réflexion se cache derrière les différents exercices et quel est le but final recherché. Il s’agit là d’un échauffement structuré et orienté et d’une préparation à la compétition comme on les pratique dans tous les sports de haut niveau.

Observer de la bonne équitation

Le dialogue et la transmission de savoir étaient au centre de cet atelier lors duquel des personnalités éminentes des sports équestres ont tenu des exposés et présenté leur manière de s’entraîner au public. C’est dans cet esprit que l’organisatrice de l’atelier Sandra Schaefler, collaboratrice du service spécialisé Animaux de compagnie/chevaux de la PSA, s’est adressée aux participants au début de la manifestation: «La Protection Suisse des Animaux ne s’oppose pas aux sports équestres, mais ceux-ci doivent se pratiquer dans le respect du cheval.»

Il a été expliqué à quel point il est difficile de remplir cette exigence dans l’exposé d’ouverture au sujet de l’équitation respectueuse des chevaux du Dr Barbara Gorsler qui puisait dans son expérience de juge de dressage. Elle a rappelé que tout succès de compétition était précédé par une préparation soignée et que celle-ci commençait avec la simple interrogation de savoir si le cheval et le cavalier étaient réellement faits l’un pour l’autre: le talent et les prédispositions du cheval sont-ils compatibles avec les attentes et le savoir-faire du cavalier? Le binôme est-il harmonieux, aussi en ce qui concerne la taille et le poids? Mais aussi d’autres aspects comme le caractère du cavalier - notamment son empathie et sa capacité d’introspection - ainsi que sa connaissance de la biomécanique du cheval sont des facteurs importants pour une pratique du sport respectueuse du cheval, a expliqué le Dr Gorsler.

Dans la partie pratique de son exposé, Barbara Gorsler a finalement présenté le concept d’harmonie comme idée directrice de la formation des chevaux en commentant des reprises de dressage. Avec l’aide de la cavalière amateure Rébecca Lüthi et de son hongre de 9 ans Weltpunkt qui ont servi d’exemple, le Dr Gorsler a illustré l’importance de la décontraction lors de l’échauffement et ensuite aussi lors du travail des figures de dressage, et ce à tous les niveaux de performance. Une seule phrase de la juge de dressage permet de résumer son exposé sur le travail du cheval: «Toujours demander mais jamais surmener.»

Le côté pédagogue de ce cours a été illustré par Rébecca Lüthi et Birgit Wientzek Pläge à la suite de leur démonstration à cheval lorsqu’elles ont pris le temps de répondre aux questions du public. Rébecca Lüthi a également laissé le chef du sport de compétition de la FSSE, Franz Häfliger, faire la démonstration de l’outil de mesure pour l’ajustement des muserolles qui entrera en fonction dans toutes les disciplines dès 2020, et Madame Wientzek Pläge a invité les participants à observer et toucher ses éperons à roulettes pendant qu’elle en expliquait l’effet.

De la gymnastique pour les chevaux de saut

Chez les chevaux de saut, l’objectif de la phase d’échauffement est également la décontraction et la volonté du cheval de s’étirer vers l’avant. C’est ce qu’a démontré Thomas Fuchs, coach des cavaliers d’élite de saut d’obstacles suisses et participant aux Jeux olympiques et aux Championnats du monde et d’Europe, au cours de l’entraînement commenté de Ghost de Réville âgé de 8 ans et monté par l’écuyère Stefanie Lauber. A l’aide de différents exercices comme l’épaule en dedans, la croupe en dedans et de nombreux changements de rythme, le jeune cheval s’est décontracté à vue d’oeil. Ensuite, il a franchi quelques cavalettis et finalement une ligne de gymnastique. L’entraîneur chevronné a souligné à plusieurs reprises l’importance d’une main douce et d’une jambe détendue chez le cavalier.

Pour finir, Thomas Fuchs a pris le temps de bavarder avec les participants et a révélé que la variété du programme constituait un facteur de réussite décisif chez ses chevaux. Ainsi, un cheval ayant participé à un concours ne devra en général pas sauté pendant une bonne semaine mais peut profiter de sorties au pré prolongées et est bougé selon un programme de gymnastique et de condition physique adapté.

Thomas Fuchs, qui gagne sa vie entre autres avec le commerce de chevaux, a également souligné que pour assurer le respect du cheval dans le sport, il était primordial que le cavalier et le cheval soient faits l’un pour l’autre: «Les chevaux montés dans le sport d’élite aujourd’hui doivent être extrêmement respectueux de l’obstacle, c’est pourquoi ils ont besoin d’un cavalier qui leur donne de la sécurité et de la confiance. Pour cette raison, bon nombre de chevaux d’élite sont de mauvais chevaux d’amateur.»

La marge de manoeuvre des vétérinaires de concours

Dans son exposé, le Dr méd. vét. Marco Hermann, vétérinaire de concours de niveau national et international et ancien président de la Commission vétérinaire de la FSSE, a présenté les tâches du vétérinaire de concours ainsi que les situations dans lesquelles il peut jouer un rôle actif et celles où son influence directe est restreinte.

En particulier lors de compétitions nationales, la marge de manoeuvre du vétérinaire de concours est limitée, étant donné que sa tâche principale est d’assurer les premiers soins des chevaux blessés. En outre, le vétérinaire de concours peut être consulté par le jury pour vérifier l’identité des chevaux et si les vaccins sont à jour, ou aussi pour contrôler l’équipement comme les guêtres, les embouchures ou les selles. S’il voit un cheval boîteux sur la place d’échauffement, il ne pourra en revanche pas le disqualifier directement, mais devra suivre la procédure habituelle et informer le président du jury ou le délégué technique de la situation. C’est cet officiel qui décidera de la marche à suivre dans cette situation.

Le spécialiste expérimenté a déjà participé à de nombreuses compétitions nationales et internationales en tant que vétérinaire de concours et a souvent observé que les cavaliers d’épreuves amateurs de niveau national étaient beaucoup plus exigeants avec leur cheval sur la place d’échauffement que les cavaliers d’élite internationaux. En ce qui concerne la charge de travail quotidienne, il voit également que dans le milieu amateur, la tendance est de trop demander aux chevaux: «Je recommande deux à trois entraînements d’endurance ainsi qu’un à deux entraînements de gymnastique par semaine. En plus de cela, tous les chevaux devraient être sortis au pré ou dans un aire de sortie quotidiennement.» Le Dr Hermann a de plus souligné le fait que les chevaux se blessaient plus souvent lors de l’entraînement qu’en compétition.

Le Reining en transition

Dans certains domaines de la discipline Reining, le «dressage en selle western», les règles sont très différentes de celles en vigueur dans les disciplines traditionnelles que sont le Saut et le Dressage chez nous. Nicole Kubli, responsable du cadre Reining auprès de la FSSE ainsi que juge et steward FEI, a exposé les défis en matière de protection des animaux dans cette discipline, défis qui sont entre autres liés aux racines et à la mentalité américaines de la discipline.

Pour cette raison, il était particulièrement intéressant de constater quel rôle précurseur joue l’Europe et surtout la Suisse dans le but de changer la mentalité de ce sport sur le long terme. En effet, les prix en argent des épreuves pour chevaux plus âgés ont été augmentés en Suisse afin de diminuer l’attractivité des épreuves pour jeunes chevaux et d’inciter les entraîneurs à préparer soigneusement leurs protégés pour les prochaines catégories.

La discipline Reining prend également d’autres chemins que le Saut ou le Dressage en ce qui concerne l’équipement et le contrôle de celui-ci. Ainsi, le contrôle de l’embouchure se fait directement après l’épreuve et la bride entière est retirée de la tête du cheval pour ce faire. Madame Kubli a de plus fait remarquer que les muserolles étaient interdites en Reining afin que les juges puissent précisément évaluer les mouvements de la bouche du cheval. Les aides vocales en revanche sont permises, voire même souhaitées.

Lors d’une démonstration impressionnante dans le manège, la cavalière du cadre suisse de Reining Annika Riggenbach a ensuite montré ce à quoi ressemblait une bonne équitation de Reining. Ses changements de galop toutes les deux foulées parfaitement exécutés avec son quarter horse Franz monté en anneau d’encolure - de quoi faire pâlir de jalousie bon nombre de cavaliers de Dressage - ont permis de clore la journée en beauté.

Main dans la main vers l’avenir sportif

Dans sa conclusion, le responsable Sport de compétition de la FSSE, Franz Häfliger, a résumé l’engagement de la fédération pour un sport de compétition respectueux du cheval et a mentionné les nouvelles mesures introduites à ce but, notamment la fonction de surveillant de la place d’échauffement en Dressage et les prescriptions sur l’ajustement des muserolles qui entreront en vigueur en 2020. Les nouvelles règlementations concernant les embouchures qui seront introduites en 2021 pour le Saut d’obstacles vont également dans le sens du bien-être du cheval - car, comme l’a dit Monsieur Häfliger: «Nous voulons tous des chevaux motivés et un sport correct.»

La conclusion de la PSA était également positive. Sandra Schaefler a remercié tous les participants pour cet échange constructif et a souhaité la continuation de ce dialogue. Selon elle, il serait à présent temps de mettre en pratique la théorie et les bonnes intentions de la fédération, notamment par des interventions plus fréquentes des officiels en cas d’infraction. De l’autre côté, il faudrait récompenser une bonne équitation, par exemple avec des prix spéciaux - afin que les vrais champions soient reconnus à leur comportement.

Cornelia Heimgartner