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Dossier: Détention des chevaux, aménagement du territoire

Surveillance numérique de la concentration de poussière à l’écurie

12 octobre 2020 09:00

Un travail d’étudiant effectué au sein de la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) avait pour objet de mesurer l’effet d’ouvertures de ventilation sur le développement de poussière dans une écurie au moyen d’un système de surveillance numérique. Le but de la recherche était de déterminer quel effet des orifices d’aération de tailles différentes, comme on peut les trouver dans la détention de chevaux en boxes ou en stabulation, avaient sur la concentration de particules autour des animaux. La quantité de poussière produite par deux sortes de paille différentes (orge et blé) ainsi que par des copeaux de bois a également été analysée.

La détention permanente au pré s’est rarifiée de nos jours.  |  © HAFL La détention permanente au pré s’est rarifiée de nos jours. | © HAFL

La poussière, qu’est-ce que c’est?

La poussière n’est rien d’autre qu’un mélange de petites particules solides qui se maintiennent en suspension dans un gaz (comme l’air). Ces particules peuvent soit être vivantes, comme c’est le cas pour les bactéries, les virus, les champignons ou les parasites, appelés bioaérosols, soit inanimées, comme c’est le cas pour les particules minérales ainsi que les aérosols composés d’ammoniaque ou de dioxyde de carbone. Les voies respiratoires du cheval, bien que très performantes, sont extrêmement sensibles aux facteurs d’influence extérieurs comme la poussière ou les gaz nocifs. Les maladies respiratoires sont la troisième affection la plus courante chez les chevaux, tandis que la prédisposition aux allergies contre la poussière chez le cheval est comparable à l’asthme chez l’être humain. Les allergènes organiques, donc les bioaérosols contenus dans la poussière, jouent un rôle important dans le développent de l’asthme équin.

D’une manière générale, on peut nommer trois sources de poussière principales dans une écurie, soit les chevaux mêmes (poils, peau, fumier), la litière et le fourrage grossier. La composition et la concentration des particules fines dans l’air sont influencées par de nombreux facteurs, comme la gestion de l’écurie, l’aération de celle-ci, la densité de détention des animaux, l’humidité de l’air et la température.

La poussière peut être classifiée en différentes catégories selon la taille des particules (anglais: «particulate matter», PM) qui la compose. Le cheval est dans la mesure d’inhaler des particules d’une taille de moins de 100 µm. Celles d’une taille inférieure ou égale à 10 µm peuvent entrer dans la cage thoracique par la trachée, tandis que celles de moins ou de 5 µm peuvent pénétrer jusque dans les alvéoles pulmonaires. Alors que les particules entrant dans ces dernières (PM ≤ 5 µm) perturbent l’échange de gaz, les particules plus grandes provoquent la formation de mucus dans les voies respiratoires et conduisent donc à un risque d’infection plus élevé.

 

Forme de détention et ventilation

Le nombre d’équidés en Suisse s’élève à 113 498 animaux (source: Banque des données sur le trafic des animaux, juillet 2020). La majorité des chevaux vit encore et toujours en box, cette catégorie comprenant les boxes intérieurs, extérieurs et avec aire de sortie. La détention permanente au pré (détention robuste) n’est que peu répandue en Suisse, seuls 3% des chevaux détenus individuellement et 4% des chevaux détenus en groupe vivent constamment à l’extérieur. Un nombre grandissant d’animaux a toutefois un accès permanent à une aire de sortie. Ces boxes-terrasse ont en général une ouverture d’aération plus grande que les boxes non reliés à une stabulation. Les chevaux vivant en box sont exposés à une concentration de poussière plus élevée, ce qui affecte leurs voies respiratoires. Cette concentration varie en fonction de la litière et du fourrage grossier utilisé. Mis à part l’activité des chevaux, les travaux d’écurie comme nettoyer les boxes, donner à manger, répartir de la litière fraîche et balayer influent le développement de poussière. On sait également que l’échange d’air est un facteur particulièrement important en ce qui concerne la réduction de la concentration en particules fines dans l’air.

Les activités «prise de nourriture» (à gauche) et «repos» (à droite) du poney enregistrées avec une caméra de surveillance pour animaux sauvages  |  HAFL Les activités «prise de nourriture» (à gauche) et «repos» (à droite) du poney enregistrées avec une caméra de surveillance pour animaux sauvages | HAFL

L’essai pratique

Le lieu d’expérimentation se trouvait dans une exploitation agricole conventionnelle dans le canton de Berne (437 m d’altitude). Les mesures de concentration de poussière ont été effectuées dans le box d’un poney de sport irlandais âgé de 18 ans. Les activités de celui-ci, comme dormir, se tenir debout, se déplacer ou manger, ont été enregistrées à l’aide d’une caméra de surveillance pour animaux sauvages afin de prendre en compte leur influence sur le développement de poussière.

L’affourragement journalier du poney était composé de trois rations de foin trempé dans l’eau cinq minutes avant d’être donné (1,5 kg de matière sèche pour 100 kg de masse corporelle) et deux fois 0,25 litre d’avoine également humidifiée au préalable afin de standardiser au maximum l’influence de la distribution de nourriture sur la concentration de poussière. La mise au parc se faisait selon la météo et a été notée.

La face frontale des boxes contenait des portes aux dimensions de 117  ×  130 cm (largeur  ×  hauteur) avec une fenêtre intégrée de 117  ×  87 cm pouvant être ouverte séparément. A l’arrière de l’écurie se trouvaient des portes de 105  ×  132 cm, également avec une fenêtre intégrée de 105  ×  91 cm, donnant sur l’aire de sortie adjacente. Celle-ci avait une surface de 21 m2, était stabilisée avec des plaques Ecoraster® et était recouverte de sable lavé. Pendant la période d’essai, cette stabulation était arrosée à midi.

La mesure de l’humidité de l’air et de la température a été effectuée à l’aide de trois capteurs, dont deux étaient fixés sur la paroi extérieure du box, à l’abri de la pluie, à une hauteur de 62 respectivement 136 cm, tandis que le troisième se trouvait à l’intérieur du box à une hauteur de 98 cm. Un anémomètre à coupelles était placé sur la paroi latérale au milieu du box à une hauteur de 270 cm pour mesurer les mouvements de l’air.

La mesure en continu (24 h/jour) de la concentration de particules de poussière des tailles PM 2,5 (< 2,5 µm) et PM 10 (< 10 µm) en μg/m3 a été effectuée au moyen de deux capteurs (système SmartHorse®, entreprise MUUTU SA) placés à l’extérieur du box. Ils analysaient l’air aspiré depuis l’intérieur du box par des tuyaux en plastique situés à 53 cm (hauteur des naseaux du poney mangeant le foin) et à 130 cm (hauteur de la tête du poney au repos). Bien que ce modèle ne soit pas explicitement conçu pour être utilisé dans une écurie, l’instrument de mesure a parfaitement fonctionné tout au long de la période d’essai. L’enregistrement numérique en continu des données s’est également passé sans problème.

Afin de disposer de données pour une analyse comparative, un instrument de mesure simple non certifié a été installé pour récolter des données sur la concentration d’ammoniaque (en ppm) pour la comparaison des résultats selon la situation de ventilation et la litière utilisée.

Les mesures de température, d’humidité de l’air et de concentration d’ammoniaque et de poussière effectuées par les différents capteurs ont été enregistrées par divers ordinateurs de mesure avant d’être transférées dans la banque de données de l’ordinateur central. Ce dernier était installé sous le toit de l’écurie. Les données récoltées étaient accessibles par le ré-eau Wi-fi local ainsi que par internet depuis n’importe quel ordinateur ou téléphone portable.

Afin d’étudier l’effet des ouvertures de ventilation de différentes tailles sur la concentration de poussière en fonction de trois variantes de litière, les situations d’aération A, B et C ont été définies. Les matières utilisées comme litière étaient de la paille d’orge, de la paille de blé et des copeaux de bois. Les deux sortes de paille étaient issues de production traditionnelle et extensive, année de récolte 2018. Visuellement, la paille d’orge était plus brillante et lisse que la paille de blé. Les copeaux de bois de taille grossière, quant à eux, n’était pas traités chimiquement. Pendant la période d’essai, le box était nettoyé deux fois par jour et de la paille était rajoutée quotidiennement. Il n’a pas été nécessaire de rajouter des copeaux de bois.

La concentration de poussière a été mesurée dans trois situations d’aération différentes:

  • Situation d’aération A: fenêtre ouverte
    La stabulation était fermée, la fenêtre au-dessus de la porte d’entrée ouverte. La taille de l’ouverture de ventilation côté Est était de 10 179 cm2.
  • Situation d’aération B: porte ouverte
    La fenêtre de la porte d’entrée était fermée mais la porte de la stabulation ouverte. Le poney avait accès à l’aire de sortie en permanence. La taille de l’ouverture de ventilation côté Ouest était de 23 415 cm2.
  • Situation d’aération C: fenêtre et porte ouvertes
    La fenêtre au-dessus de la porte d’entrée ainsi que la porte de la stabulation située à l’opposé étaient toutes deux ouvertes. Le poney avait accès à l’aire de sortie en permanence. La taille de l’ouverture de ventilation sur l’axe Est-Ouest était de 33'594 cm2 au total.

Anémomètre à coupelles installé sous le plafond du box pour mesurer les mouvements de l’air  |  © HAFL Anémomètre à coupelles installé sous le plafond du box pour mesurer les mouvements de l’air | © HAFL

Résultats

Les données de concentration de particules PM 2,5 et PM 10 (µg/m3) ont été calculées comme valeurs moyennes et comme estimations obtenues par modélisation pour les situations d’expérimentation A, B et C pour les capteurs se trouvant à une hauteur de 53 respectivement 130 cm. Les valeurs obtenues par modélisation tenaient compte des facteurs d’influence comme la température, l’humidité de l’air, l’activité du poney, etc. Si ce dernier était par exemple plus actif sur la litière en copeaux que sur la paille ou que l’air ambiant était plus humide un certain jour, le modèle prenait ces circonstances en considération.

L’effet des différentes situations d’aération a été le plus visible pour les particules de taille PM 2,5 mesurées à une hauteur de 53 cm.

Selon si la fenêtre (situation A) ou la porte (situation B) était ouverte, les valeurs de concentration de poussière PM 2,5 obtenues par modélisation différaient sensiblement pour la paille de blé (A = 3,6 µg/m3, B = 5,6 µg/m3) et la paille d’orge (A = 2,9 µg/m3, B = 5,5 µg/m3).

Lorsque la porte et la fenêtre étaient ouvertes (situation C), les valeurs de concentration de particules PM 2,5 obtenues par modélisation étaient de 6,0 µg/m3 pour la paille de blé, de 4,9 µg/m3 pour la paille d’orge et de 9,6 µg/m3 pour les copeaux de bois. Ces derniers émettaient par ailleurs une quantité de poussière PM 2,5 nettement supérieure par rapport aux deux sortes de paille dans la situation C à une hauteur de 53 cm.

La concentration de poussière mesurée par le capteur à une hauteur de 130 cm était inférieure à celle mesurée à 53 cm, et ce autant pour les particules PM 2,5 que pour celles de taille PM 10. Cela est probablement dû au fait que, d’une part, les petites particules s’envolaient plus facilement dans les courants d’air près du sol lorsque la porte respectivement la porte et la fenêtre étaient ouvertes (situation d’aération B et C), d’autre part car les particules plus grandes se trouvaient plutôt au niveau du sol.

En ce qui concerne les mesures comparatives des valeurs d’ammoniaque, l’effet positif des ouvertures de ventilation était constatable pour les trois variantes de litière: plus l’ouverture était grande, plus les valeurs d’ammoniaque (ppm) étaient faibles (valeur moyenne pour toutes les sortes de litière de 5,2 ppm dans la situation A, de 2,8 ppm dans la situation B et de 3,6 ppm dans la situation C).

Bien que différentes concentrations de poussière aient pu être constatées en fonction de la situation de ventilation et de la matière utilisé comme litière, il faut remarquer que, de manière générale, les valeurs mesurées pour les particules PM 2,5 et PM 10 (en µg/m3) étaient très basses dans la présente étude.

Pour l’être humain, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande des limites d’exposition journalières à la poussière de 25 µg/m3 pour les particules PM 2,5 et de 50 µg/m3 pour les particules PM 10. Il n’existe pas de dispositions légales en Suisse quant à la concentration maximale de poussière dans les écuries.

Un autre travail de recherche effectué au sein de la HAFL a élaboré un système de feux de signalisation pour catégoriser les concentrations de particules de taille PM 2,5 et PM 10. Selon celui-ci, les valeurs pour les particules PM 2,5 ne devraient pas dépasser 10 µg/m3, respectivement 30 µg/m3 pour les particules PM 10 (feux vert). Toutes les litières et les situations d’aération testées dans cet essai remplissent donc également les critères les plus strictes de cette catégorisation qui est plus sévère que les recommandations de l’OMS, bien qu’elle s’adresse aux chevaux.

Evolution de la concentration de particules fines à 53 cm de hauteur pour la paille d’orge et les copeaux de bois sur une journée  |  © HAFL Evolution de la concentration de particules fines à 53 cm de hauteur pour la paille d’orge et les copeaux de bois sur une journée | © HAFL

Bilan

Dans ce travail d’étudiant, un système de surveillance numérique a été testé pour mesurer la concentration de poussière dans une écurie en fonction de la litière utilisée et selon différents scénarios d’aération. Les données enregistrées en continu pouvaient être consultées aussi bien par le biais d’un ordinateur que d’un téléphone portable, ce qui permettait d’obtenir un aperçu de la concentration de poussière en tout temps. Dans le présent essai, des variations de la concentration de poussière dans les différentes situations d’aération étaient notables, surtout pour les particules fines de taille PM 2,5 près du sol (53 cm). D’une manière générale, la concentration de poussière était très basse dans l’écurie analysée. Le système de mesure utilisé dans la présente étude permet de tirer des conclusions quant à la hauteur de la concentration de poussière, mais malheureusement pas quant à la nature de cette dernière.

En effet, mis à part la quantité et la taille des particules présentes dans l’air, il s’agit également de prendre en considération le potentiel allergénique (teneur en bactéries, moisissures, virus, etc.) de celles-ci si l’on s’intéresse à la santé des voies respiratoires du cheval. L’évaluation du climat d’écurie est complexe et dépend de nombreux facteurs. Les systèmes de surveillance numérique rendent les éléments composant le climat de l’écurie mesurables et évaluables et peuvent contribuer, avec une litière adéquate, une nourriture peu poussiéreuse et une bonne gestion d’écurie, à la bonne santé des animaux et des humains.

Conny Herholz, Jan Kocher, Peter Küng, Alexander Burren

© HAFL © HAFL

Jan Kocher a enregistré et évalué la concentration de poussière dans son écurie en fonction des ouvertures d’aération et de la litière grâce à des instruments de mesure numériques:

«J’ai grandi entouré de chevaux et je pratique l’équitation depuis mes 6 ans. Après la maturité gymnasiale et un stage préparatoire, j’ai commencé des études en agronomie à la HAFL. J’avais d’abord prévu de me spécialiser dans un autre domaine, mais la diversité des modules d’apprentissage ainsi que les enseignants extrêmement compétents m’ont poussé à choisir l’orientation Sciences équines.»

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